Triptych de Peeping Tom
Passage éclair à l’Opéra de Paris pour la Compagnie Peeping Tom qui sidère avec son tryptique de théâtre-dansé
L’Opéra Garnier accueille pour quelques jours seulement la compagnie Peeping Tom. Fondée en 2000 par les deux danseurs Gabriela Carrizo et Franck Chartier, la troupe belge de danse‑théâtre Peeping Tom (en français : Le Voyeur) met en scène ses huit acteurs‑danseurs-performeurs, tous aussi co-créateurs, au sein d’univers fantastiques très cinématographiques, dans des visions de cauchemar où la violence le dispute à l’humour, l’absurde à l’émotion, le mystère à l’hyperréalisme. Les saynètes à la dramaturgie intense, ouvertes à l’imagination et à l’interprétation, se succèdent à un rythme soutenu selon un langage chorégraphique virtuose avec des artistes toujours poussés à leurs limites physiques et psychologiques. On pense évidemment à Pina Bausch, le côté ludique en moins.
Comme son titre l’indique, Tryptich, créée en 2020 (en plein Covid, donc) en adaptant des pièces courtes conçues pour le Nederlands Dans Theater entre 2013 et 2017, égrène trois séquences d’enfermement pour les protagonistes perdus dans l’espace et le temps, confrontés à leur solitude et à des rencontres et/ou des retrouvailles toujours avortées. Avec de-ci de-là l’apparition fugace de morts venus hanter les vivants. Trois décors d’intérieur se succèdent, avec entre chacun des actes des changements scéniques à vue, partie intégrante de la représentation. Entre cris et vagissements de la petite enfance et ânonnements d’un vieillard croulant sous le poids de valises, c’est le déroulement d’une vie qui semble évoqué sans logique ni chronologie.
Lieu transitoire
Le premier temps, The missing door suggère un labyrinthe en forme de couloir, de lobby d’hôtel ou de salon de bateau, lieu transitoire dans tous les cas, dont les nombreuses portes s’ouvrent sur le néant. Lorsqu’elles s’ouvrent, de violentes bourrasques propulsent sur la scène des danseurs en vrac (dans tous les sens du terme). Avec The lost room qui suit, on est dans une chambre à coucher, avec un lit immense où les personnages enfouissent ou exhument leurs amours passées.
Au finale, The hidden floor suggère un restaurant abandonné du public dans lequel la nature reprend ses droits : le plancher prend l’eau, et les danseurs y font de l’aquaplaning acrobatique tout sauf gracieux. Avant qu’un incendie géant et crépitant n’embrase le fond de scène et ne surprenne les protagonistes à jamais figés dans des attitudes d’effroi. Suite à une éruption volcanique comme à Pompéi ou, plus probablement, à l’inéluctable catastrophe climatique.
A la composition musicale qui n’est pas sans rappeler des musique de films (de David Lynch notamment) la bande son intègre des échos intermittents de musiques classique, le tout participant de l’inquiétante étrangeté diffusée par la pièce. Malgré ses accès de violence et ses clichés un peu appuyés, le spectacles diffuse un charme hypnotique.
Triptych , Opéra Garnier jusqu’au 11 juin, www.operadeparis.fr
Concept et mise en scène : Gabriela Carrizo, Franck Chartier. Composition sonore et arrangements : Raphaëlle Latini, Ismaël Colombani, Annalena Fröhlich, Louis-Clément Da Costa, Eurudike De Beul. Décors : Gabriela Carrizo, Justine Bougerol. Costumes : Seoljin Kim, Yi-chun Liu, Louis-Clément Da Costa. Lumières : Tom Visser.
Photo : Maarten Vanden Abeele