Ouverture de la saison 2025-2026 de l’Orchestre national de France
Ravel et un peu plus
Pour ouvrir sa saison, l’Orchestre national de France met à contribution Ravel, ce qui n’étonnera pas en cette année du 150e anniversaire de la naissance du compositeur, mais aussi deux musiciens que l’auteur du Boléro a inspirés.
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- 12 septembre
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L’ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE ET SON DIRECTEUR musical Cristian Măcelaru ont dû interpréter vingt fois cette saison La Valse de Ravel, et l’interpréteront encore lors d’une tournée qui les emmènera en Europe centrale du 18 au 24 septembre prochain*. Et c’est précisément cette valse vertigineuse entre toutes qu’ils ont choisie pour ouvrir leur saison de concerts 2025-2026. Ce premier rendez-vous pouvait sembler étrangement conçu : La Valse, donc, mais pour commencer (alors qu’il s’agit là d’une page idéale pour terminer un programme dans l’incandescence), puis le Concerto pour piano en fa de Gershwin, enfin un arrangement pour orchestre du Trio de Ravel.
À bien y réfléchir toutefois, le concerto de Gershwin trouvait là sa place légitime, quand on sait l’admiration que vouait le compositeur new-yorkais à Ravel : le 7 mars 1928, dans le salon d’Eva Gauthier, à New York, Gershwin joua, tout ému, plusieurs de ses pièces pour piano à l’occasion de l’anniversaire de Ravel. Ce dernier n’éprouvait peut-être pas la même admiration pour Gershwin, mais on peut imaginer que ce dernier a contribué à l’initiation de Ravel à l’univers du jazz dont on trouve des traces dans le Concerto en sol, composé de 1929 à 1931, le Concerto en fa de Gershwin ayant été créé le 3 décembre 1925 à Carnegie Hall.
C’est ce concerto qui était à l’affiche du concert du 11 septembre, avec au piano un Rudolf Buchbinder plus décontracté qu’inspiré, moins rigoureux dans une œuvre qui, certes, exige de la fantaisie, que dans le finale de la Sonate « La Tempête » de Beethoven donné en bis, qui appartient bien plus à son répertoire. Le National en revanche est tout à fait à son affaire dans cette musique : on goûte en particulier le très beau mouvement central, avec sa trompette nostagique (souvenir de Charles Ives ?), ses clarinettes nocturnes, puis ses cordes qui se déhanchent et s’animent peu à peu.
Les arêtes du Pantoum
Mais l’œuvre la plus imprévue de la soirée était sans doute l’orchestration du Trio pour violon, violoncelle et piano de Ravel par le chef Yan Pascal Tortelier. Publié en 1992, cet arrangement a fait l’objet d’un enregistrement sous la direction de Tortelier lui-même (Chandos), et convainc peut-être plus que l’orchestration par David Molard Soriano des deux pages du Tombeau de Couperin (la Fugue et la Toccata) que Ravel avait renoncé à orchestrer lui-même. Dans le premier mouvement, il est difficile de ne pas songer à Ma mère l’Oye, mais c’est dans le deuxième que Tortelier fait preuve de la plus vive imagination : il s’agit là en effet du célèbre Pantoum, la page la plus singulière du Trio, et la légèreté de l’orchestration garde au mouvement son caractère animé, anguleux, sans le noyer dans les fastes de l’orchestre. Plus grave, plus majestueuse, la Passacaille met en valeur les cordes à la faveur d’un crescendo-decrescendo sans pathos, mais le Finale s’achève dans une exubérance un peu confuse qui jure avec les couleurs des trois pages précédentes.
Très en forme, l’Orchestre national nous offre pour le plaisir un virevoltant Hora staccato de Grigoraș Dinicu, page rendue célèbre par Jascha Heifetz, que Cristian Măcelaru et Sarah Nemtanu, violon solo de l’orchestre, feront sans doute briller de tous ses feux lors de leur étape prochaine en Roumanie.
* À écouter : Ravel-Paris-Măcelaru, un coffret de trois disques Naïve proposant l’essentiel de l’œuvre symphonique de Ravel enregistrée sur le vif au fil de cinq concerts donnés à Paris.
Illustration : Sarah Nemtanu (qui sera violon solo de l’Orchestre de Paris à partir du 1er janvier 2026) par Lyodoh Kaneko (dr)
Ravel : La Valse – Gershwin : Concerto pour piano et orchestre en fa majeur – Ravel/Y.-P. Tortelier : Trio. Rudolf Buchbinder, piano ; Orchestre national de France, dir. Cristian Măcelaru. Maison de la radio et de la musique, 11 septembre 2025.



