A Paris, La Scala, du 30 septembre au 25 novembre
Pauline & Carton de Christine Murillo et Charles Tordjman
Christine Murillo fait revivre avec une énergie communicative la comédienne Pauline Carton, abonnée aux seconds rôles. Épatant.
La Scala reprend le spectacle savoureux créé à l’automne dernier par Charles Tordjman qui ravive la mémoire de l’inénarrable Pauline Carton. Menée par la non moins impayable Christine Murillo, la pièce a valu à l’actrice le Prix du Brigadier 2023 décerné par l’Association de la Régie Théâtrale. Déboulant, telle une boule d’énergie, dans la petite salle du théâtre, l’actrice annonce d’emblée la couleur : « Quand j’étais jeune, j’avais le visage lisse et des robes plissées, maintenant, c’est le contraire ! ». Cette fameuse boutade de Pauline Carton (1884-1974) restitue l’esprit (dans tous les sens du terme) de la comédienne qui a traversé (presque) tout le XXème en se contentant des seconds rôles sur les planches et sur les écrans. Et qui, vieillissante, n’a rien perdu de sa verve, ni de son entregent.
Non pas que Christine Murillo tente d’imiter l’éternelle soubrette, concierge ou mégère de nanars la plupart complétement oubliés. Elle reste elle-même, avec sa chevelure abondante et rebelle qu’elle ne parvient pas à discipliner comme le faisait Pauline Carton, immanquablement surmontée d’un impeccable petit chignon. Qui plus est affublée d’une « voix de canard » comme elle-même le déplorait. Ce qui rendait ses saillies verbales et autres chansons salaces d’autant plus comiques.
L’idée de ce seule-en-scène est venue à Charles Tordjman lorsque la comédienne lisait des extraits de la correspondance de Pauline Carton et des passages de son livre, Les théâtres de Carton, au Festival de Grignan 2022. On n’était pas à Grignan mais à La Scala et il apparait que le passage de la lecture au théâtre s’est fait avec brio. Car l’ancienne sociétaire de la Comédie-Française fait montre d’un engagement et d’un humour tout-à-fait dignes de son modèle. Avec pour tout décor une table de camping sur laquelle est posée une boîte en carton, la comédienne aux quatre Molière fait revivre avec un abattage inépuisable l’actrice qui affirmait : "Je veux bien jouer les concierges et les bonnes de curé, passer le plumeau sur les bibelots du salon, mais en présence d’un cameraman seulement ! ».
Immortelles scies musicales
Avec un art consommé de la scène, Christine Murillo semble fouiller au plus profond de sa propre mémoire et simule à la perfection des trous dans le rappel des souvenirs de l’actrice populaire qui a marqué de sa (modeste) empreinte aussi bien le théâtre que le cinéma, le music-hall, la télévision ou la radio. Avec des anecdotes de métier follement drôles mais aussi de tendres allusions à sa liaison (évidemment non maritale) avec le poète et écrivain genevois Jean Violette. A aucun moment l’actrice favorite de Sacha Guitry, dont elle devient l’assistante-confidente, ne se départit d’un esprit et d’une plume acérés. Habitant toute sa vie à l’hôtel pour être définitivement débarrassée des soucis domestiques, elle apparaît comme un femme libre qui jamais ne se prend au sérieux.
Bien sûr, les meilleurs moments du spectacle sont ceux où Christine Murillo interprète les chansons grivoises, véritables scies musicales rendues immortelles par Pauline Carton. Telles Par le trou de la serrure ou Sous les palétuviers. Sans parler de J’ai un faible pour les forts qu’elle chante et joue avec une énergie à renverser les montagnes !
Pauline & Carton, le dimanche à 15h15 et le lundi à 19h15 jusqu’ au 25 novembre à la Scala, https://lascala-paris.fr
Avec Christine Murillo
Adaptation : Virginie Berling, Christine Murillo, Charles Tordjman. Mise en scène : Charles Tordjman. Lumières : Christian Pinaud.
Photo Thomas O’Brien