Offenbach rajeuni

Réjouissant « Voyage dans la lune », féerie chantée et dansée d’Offenbach, par une troupe de jeunes interprètes enthousiastes.

Offenbach rajeuni

Fraîcheur, imagination, poésie, cocasserie... Toutes les bonnes fées s’étaient penchées sur le berceau du Voyage dans la lune monté début 2021 à l’Opéra Comique. Mais c’était sans compter avec la sorcière Pandémie qui a entraîné l’annulation des représentations et condamné au petit écran le spectacle capté et diffusé par France 5 pendant le troisième confinement. Voici le mal réparé et la féerie fantastique et satirique en quatre actes d’Offenbach (1875), inspirée de Jules Verne (sans son autorisation), arrive pour une dizaine de jours sur la scène de la salle Favart. Avec une troupe de jeunes interprètes issus de la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, manifestement ravie de participer à une vraie production chantée, jouée et dansée. Seul chanteur aguerri de la distribution, le baryton Franck Leguérinel règne en roi Vlan sur une troupe d’interprètes à l’âge tendre, de la préadolescence à la vingtaine.

Le trio Laurent Pelly (à la mise en scène et aux costumes), Agathe Mélinand (pour l’adaptation du livret) et Alexandra Cravero (à la direction musicale) fait merveille dans le spectacle loufoque qui conte les tribulations de Vlan, roi de la Terre, à qui le fils (bien)nommé Caprice, demande ni plus ni moins que la Lune ! Il finira par y arriver accompagné de son paternel et du savant Microscope qui, avec l’aide de forgerons, a conçu un énorme canon capable de les envoyer sur l’astre de la nuit. Une fois atterris, ils découvrent un peuple étrange mené par le roi Cosmos qui ne connaît pas l’amour. Lacune vite comblée par Caprice qui a emporté des pommes que le peuple extraterrestre va croquer à belles dents. Tant et si bien que la princesse Fantasia va s’éprendre de Caprice et l’épouse du roi Cosmos, Popotte, de Microscope. On imagine l’enchaînement de situations cocasses que ce virus d’amour va déclencher...

Clair de Terre

La scène est conçue comme un terrain de jeu où la décoratrice Barbara de Limburg fait alterner des univers plus surprenants les uns que les autres. Au lever de rideau, la Terre se présente comme une montagne de déchets colorés dont on comprend que le Prince Caprice, épris d’idéal, ait envie de s’échapper. La Lune, quant à elle, est un espace tout blanc, éthéré, où évoluent en tournoyant ses habitants, comme autant de mini-planètes. À leur contact, les Terriens restent ébahis mais une terrible tempête oblige les uns et les autres à se réfugier dans le ventre d’un volcan impressionnant. Du fond de son cratère, ils contemplent un magnifique clair de Terre qui se lève et les remplit de nostalgie pour leur planète...

De même qu’Offenbach écrivait des airs pour des solistes bien particuliers, la cheffe Alexandra Cravero a adapté les tonalités et les traits spécifiques de chaque rôle à son jeune interprète. Elle mène bon train tout son petit monde, et l’orchestre Les Frivolités parisiennes, à travers une partition aux multiples couleurs, passe sans temps mort d’un air de romance romantique au café-concert le plus débridé ou à un chœur pompier et loufoque. La pièce ne perd rien à avoir été resserrée, la cheffe ayant réduit d’environ un quart la partition et supprimé certains ballets et morceaux, dont le « Marché aux femmes » de l’acte III, impensable aujourd’hui, a fortiori chanté par des jeunes.

Franck Leguérinel joue le vieux monarque Vlan à l’humeur vagabonde, qui règne sans conviction sur le peuple de Terriens et passe tout à son Caprice de fils. Dans le rôle de ce dernier, Le ténor Arthur Roussel, séducteur invétéré mais falot, est largement surpassé par sa partenaire, la soprano Ludmilla Bouakkaz en Princesse Fantasia ébouriffante aussi bien pour ses qualités vocales que scéniques. Quoique très jeune, Enzo Bishop, pour sa part, se montre désopilant en roi Cosmos obèse qui ne contrôle ni sa femme, ni sa fille ni... sa planète !

Photo Stéphane Brion

Le Voyage dans la lune, à l’Opéra Comique, jusqu’au 3 février, www.opera-comique.com/fr
Direction musicale : Alexandra Cravero. Mise en scène et costumes : Laurent Pelly. Adaptation du livret et nouvelle version des dialogues : Agathe Mélinand. Décors : Barbara de Limburg. Lumières : Joël Adam. Cheffe de chant : Katia Weimann.
Avec Franck Leguérinel, Arthur Roussel, Ludmilla Bouakkaz, Mateo Vincent-Denoble, Enzo Bishop, Violette Clapeyron, Rachel Masclet, Micha Calvez-Richer, Salomé Baslé, Justine Chauzy Le Joly, Judith Gasnier, Airelle Groleau, Maxence Hermann. Solistes et chœur : Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique. Direction artistique : Sarah Koné. Orchestre Les Frivolités Parisiennes.

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook