Mythologies d’Angelin Preljocaj

Superproduction néoclassique, le dernier opus du chorégraphe s’effeuille comme un beau livre.

Mythologies d'Angelin Preljocaj

Deux troupes et pas des moindres : celle d’Angelin Preljocaj, basée à Aix, et celle de l’Opéra national de Bordeaux, l’une des plus anciennes et prestigieuses de France. Un compositeur, et pas des plus obscurs : Thomas Bangalter (un des deux ex Daft Punk). Une costumière et pas des moins en vue : Adeline André. Une formation et pas des moins fournies : l’Orchestre de chambre de Paris avec ses 54 Musiciens… La corbeille était bien remplie pour la naissance du dernier opus d’Angelin Preljocaj. Avec pour titre et pour thématique Mythologies, la superproduction fruit de quatre années de coopération est inspirée du livre éponyme de Roland Barthes et met en exergue la permanence des mythes antiques. Le plus puissant d’entre eux n’est autre, précise le programme, que « le langage de la danse qui affirme en chaque instant ne pas vouloir mourir ».

La danse autocélébration donc dans cette succession de tableaux néoclassiques aux allures de bas reliefs animés avec naïades graciles, éphèbes glabres et voilages vaporeux. Avec en bonus des flots de musique symphonique un peu pompier, genre film d’heroic fantasy. Joli mais sans grande nouveauté, le spectacle s’effeuille à un rythme soutenu comme un beau livre illustré. Quoique très lissée dans son esthétique et aboutie dans son exécution, la pièce révèle des disparités de formation dans la vingtaine d’interprètes, certains moins aguerris au langage de la danse contemporaine que d’autres.

Grandes figures

Le propos entremêle sans complexes plusieurs corpus, la mythologie gréco-romaine en premier lieu bien sûr et ses héros, mais aussi le Popul Vuh, livre sacré des Mayas, et la Bible judéo-chrétienne (le jardin d’Eden). Composées avec un bonheur inégal, les saynètes laissent entrevoir avec plus ou moins d’évidence les grandes figures des mythes antiques : les Amazones, hardies combattantes armées d’arcs géants, Zeus métamorphosé en pluie d’or pour s’accoupler avec l’intouchable Danaé, Ariane séduisant l’intraitable Minotaure dans le labyrinthe… Sans conteste, le tableau le plus réussi est aussi le dernier de la série : la chute d’Icare précipité dans le vide pour avoir trop approché le soleil.

D’autres tableaux laissent plus perplexe ; de même que le final qui interrompt le cycle de la danse pour présenter les (beaux) visages des danseurs filmés en très gros plan. C’est Levinas qui est désormais convoqué et sa théorie du visage qu’on ne peut tuer. « Et pourtant… », conclut l’épilogue qui assène un montage précipité, très godardien, de vidéos de destructions et d’atrocités dues à la guerre. Laquelle ? On a l’embarra du choix dans l’histoire récente où la permanence de la violence le dispute à celle du mythe. C’est ce que l’on conclut d’un spectacle qui ne fera date que par sa démesure.

« Mythologies ». Au Théâtre du Châtelet jusqu’au 5 novembre, www.chatelet.com
Chorégraphie : Angelin Preljocaj. Musique Originale : Thomas Bangalter. Interprétation : Orchestre de Chambre de Paris. Direction musicale : Romain Dumas. Lumières : Éric Soyer. Vidéo : Nicolas Clauss. Costumes : Adeline André
Photo JC Carbonne

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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