Paris, Théâtre du Chatelet, jusqu’au 15 octobre

Les deux visages de Hofesh Shechter

Double Murder

Les deux visages de Hofesh Shechter

Au Châtelet, Hofesh Shechter présente "Double Murder", un diptyque de pièces très contrastées qui commence dans la violence et se termine dans la douceur.

Est-ce l’effet de la pandémie et de l’inactivité imposée aux danseurs pendant un an et demi ? Le fait est que Hofesh Shechter revient sur la scène du Châtelet complétement transfiguré. En ouverture de la première de son nouveau spectacle, Double Murder, au Théâtre du Châtelet, mardi 5 octobre, un danseur de sa compagnie - manifestement son porte-parole - disait toute la joie de se retrouver sur scène face à un « vrai public ». Public parisien avec lequel Shechter entretient une relation « presque sentimentale », dit le chorégraphe dans une interview sur le site du Théâtre de la ville. Et le danseur de lancer de vibrants « Hip hip hip ! » à quoi la salle répondait par de tonitruants « Hourrah ! ». Une entrée en matière (et en danse) on ne peut plus boute-en-train, suivie d’un french cancan effréné par lequel toute la troupe cosmopolite de dix danseurs faisait son entrée sur scène en levant haut la jambe et en poussant force cris de joie.

Puis on passe aux choses sérieuses avec un spectacle en forme de diptyque réunissant deux pièces très contrastées séparées par un entracte. Sur des musiques elles aussi très contrastées composées par le chorégraphe qui fut batteur de rock. Le tout est le fruit d’une coproduction mondialisée qui va de Londres (où il réside) à Hong Kong en passant par Avignon, coréalisée conjointement à Paris par le Théâtre de la Ville (toujours en travaux) et celui du Châtelet (également théâtre municipal).

Qu’y-a-il derrière ce titre générique de Double murder ? Un polar dansé ? On se le demande bien tout au long de la représentation, le chorégraphe se gardant bien de donner les clés de ses énigmes. Le diptyque s’ouvre sur une pièce déjà donnée au Théâtre des Abbesses en 2018, Clowns, créée pour le Nederlands Dans Theater. Très rétro, la scénographie rappelle les cirques d’antan inscrits dans la mémoire collective, baignant dans le halo des guirlandes de lumières bleutées dégringolant des hauteurs d’un chapiteau invisible. Par la violence grinçante de leur danse tumultueuse qui alterne les scènes de crime et de sexe, les dix danseurs, vêtus de riches costumes en noir et rouge, suscitent plus l’angoisse que le rire. Sous le masque du divertissement pointe la tolérance croissante à la violence de l’époque, tolérance que Shechter veut stigmatiser.

Toute agressivité abolie

En antidote à cette œuvre féroce, The Fix, nouvelle création, se montre très différente de la vingtaine de pièces que le chorégraphe de 46 ans a jusqu’à présent produites. Nouvelle énigme avec ce terme de Fix qui, selon lui, se traduit par « solution » et par « pétrin », tout en laissant au public le soin de naviguer entre ces interprétations. Pour sa part, il opte pour « solution au pétrin » en précisant : « la chose la plus précieuse que nous ayons, c’est l’espoir ». Sur le plateau nu, les sept danseurs vêtus de jeans et de sweats pastels, toute agressivité abolie, nous font passer par leurs enlacements dans un monde bienveillant où fragilité, tendresse et lenteur sont permises. Ambiance renforcée par la musique avec ses tourbillons vocaux et électroniques qui se perdent dans le temps et l’espace comme une psalmodie entêtante, envoûtante.

Epilogue : les danseurs, après avoir dûment enfilé leur masque et enduit leurs mains de gel, descendent un à un de la scène pour parcourir les travées en quête de spectateurs à enlacer. Ils en trouvent en abondance et, apparemment, cela fait du bien. Tout comme le spectacle qui, sans verser dans la mièvrerie, diffuse une douceur bienveillante et bienvenue.

Double Murder. Chorégraphie et musique : Hofesh Shechter. Avec Miguel Altunaga, Robinson Cassarino, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Mickaël Frappat, Natalia Gabrielczyk, Adam Khazhmuradov, Yeji Kim, Emma Farnell-Watson, Juliette Valerio. Théâtre du Châtelet jusqu’au 15 octobre. www.theatredelaville-paris.com et www.chatelet.com

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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