Au Théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 25 janvier

Le Rendez-vous, par Camille Cottin

Portant à la scène le roman décoiffant de Katharina Volckmer, Camille Cottin donne la pleine mesure d’une incroyable vitalité.

Le Rendez-vous, par Camille Cottin

Après une carrière ascendante entre télévision (Connasse, Dix pour cent…) et cinéma, Camille Cottin revient à ses premières amours : le théâtre. Elle s’engage à corps perdu dans ce seule en scène d’une heure quinze d’une forme totalement inédite, mise au point avec Jonathan Capdevielle. Evitant de trop heurter, elle reprend le titre original du roman de Katharina Volckmer, The Appointment, paru en 2020 ("Le Rendez-vous"). Beaucoup plus soft donc que celui de la traduction française du livre paru chez Grasset Jewish Cock (“Bite juive”).

Le rendez-vous dont il est question ici n’a vraiment rien de la romance qu’il laisse espérer. C’est celui qu’une jeune femme d’origine allemande, exilée volontaire à Londres, a pris avec son gynécologue pour changer d’identité sexuelle et se faire greffer un pénis juif (circoncis). Une manière très radicale d’en finir avec son identité d’arrière-petite fille du Troisième Reich et l’assignation à une histoire et à un genre devenus insupportables (au sens propre du terme). Il lui est aussi bien impossible d’assumer le passé nazi de son pays que le “mauvais genre” fourni par la nature dans lequel elle se sent comme “un chat qui aboie”.

Pas évident de porter au théâtre cette situation impossible d’une jeune femme les jambes écartées devant son gynécologue, juif britannique et mutique, recomposant le parcours qui la mène à vouloir se faire greffer un pénis circoncis. Avec Jonathan Capdevielle, Camille Cottin fait de la scène un magma organique recouvert de tissus (on pense à une installation de Boltanski) qui se soulève et respire. Elle s’en saisit à l’occasion pour en faire une traîne ou une voile, ou encore s‘y enfonce et s’y cacher. L’actrice n’apparait d’abord que sous la forme pour le moins inattendue de deux jambes écartées, moulées dans un legging rouge fluo, qui parlent, émergeant du tapis ondoyant.

Energie volcanique.

Rien moins que monocorde le récit, pas toujours facile à suivre, adopte aussi une forme mouvante, drôle, féroce ou tendre, passant tour à tour du réalisme le plus cru au fantasme le plus débridé. En perpétuel mouvement, l’actrice très chorégraphiée montre une énergie volcanique. Telle une petite fille qui ferait jouer plusieurs personnages à sa poupée, elle se coule avec un plaisir manifeste dans des rôles aussi divers que la gamine revêche mal dans sa peau qu’elle fut, la mère autoritaire, image de femme glacée qu’elle déteste et dont elle veut à tout prix se démarquer, l’amazone déterminée à faire le grand saut du changement de genre.

Sans logique autre que celle de l’association, elle saute du coq à l’âne comme en rêve, parle aussi bien des manières de s’asseoir selon son sexe que d’un épisode marquant de son enfance. Et d’évoquer en passant son amour pour un garçon nommé K, rencontré dans les toilettes publiques et avec qui elle partage sa passion pour le théâtre. Ou encore l’histoire glaçante de son arrière-grand-père, brave père d’une famille nombreuse, qui pendant la guerre prend très à cœur sa tâche de chef de gare d’une station perdue de Silésie, très embouteillée car elle est la dernière avant Auschwitz (un frisson passe…).

Cette chrysalide à l’heure de la grande mutation, qui brandit l’étendard aux couleurs gay comme un fouet, jette sa gourme par-delà les carcans identitaire, historique, familial et sexuel. Avec pour cri de ralliement cette injonction finale « Tenons-nous la main, soyons des guerriers ! ».

Le Rendez-vous , au Théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 25 janvier 2025
Adaptation pour la scène : Camille Cottin et Jonathan Capdevielle, d’après le roman de Katharina Volckmer. Traduction française : Pierre Demarty. Conception Scénographique : Nadia Lauro. Costumes : Colombe Lauriot Prevost. Création Lumière : Yves Godin. Création sonore et musicale : Pierre Bosheron. Chorégraphie : Marcella Santander.
Tournée
Les 28 et 29 janvier à la MC2 Grenoble
Les 31 janvier et 1er février à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy
Les 4 et 5 février au Radiant, Bellevue, Caluire-et-Cuire
Le 7 février à l’Onde, Théâtre Centre d’Art Vélizy-Villacoublay
Les 10 et 11 février à La Coursive, Scène nationale de La Rochelle
Le 13 février au Théâtre du Vésinet
Le 16 février à l’Opéra de Vichy
Le 23 février au Bâtiment des Forces Motrices, Genève
Le 25 février au Théâtre de Beausobre, Morges
Les 1er et 2 mars à Châteauvallon Liberté, Toulon
Du 4 au 6 mars à Anthea, Antibes
Du 11 au 22 mars au TNS, Strasbourg
Les 24 et 25 mars au TAP, Poitiers
Les 27 et 28 mars aux Scènes du Golfe, Vannes
Le 3 avril 2025 au Cratère, Scène Nationale d’Alès en Cévennes
Le 5 avril 2025 à L’Ombrière, Uzès
Le 8 avril 2025 au Parvis, Scène nationale Tarbes Pyrénées

Photo : Aloïs Aurelle

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de...

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1 Message

  • Le Rendez-vous, par Camille Cottin 12 janvier 09:54, par anne

    Bonjour, étant à pris ce week-end je n ai malheureusement pas réussi à avoir de places à Paris. Habitant Bruxelles, je ne vois pas de dates chez nous 😢 prévoyez-vous aussi que la tournée s’arrête en Belgique ?

    un grand merci et bonne année
    anne

    Répondre au message

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