Gloria par José Montalvo

La danse comme dernier recours

Gloria par José Montalvo

« Trop mince pour le flamenco... », « Trop bretonne pour faire du ballet... ». Trop ceci ou pas assez cela... A l’aube de leur carrière, ils n’étaient jamais conformes au format standard. C’est ce qu’ils racontent chacun à leur tour au fil du spectacle devant le micro, égrenant les handicaps qui ont failli emporter leur rêve de danse, et les luttes, drôles ou dramatiques, qu’ils ont dû mener pour surmonter ces préjugés. Mais c’était sans compter sur leur pugnacité, ni surtout sur celle de leur chorégraphe, José Montalvo, qui nous revient aujourd’hui gonflé à bloc, en gloire avec ce spectacle accouché au forceps au bout de deux années éprouvantes de « stop and go » dues au Covid. Programmé à la Villette par le Théâtre de la Ville hors les murs, la production rassemble une troupe fournie de seize interprètes qui mènent avec une vitalité époustouflante une sarabande endiablée, enchaînant les numéros solos et/ou collectifs à un rythme d’enfer.

Comme son titre l’indique, Gloria fait la part belle à la jubilation, conformément à la devise de José Montalvo : « La joie est plus profonde que la tristesse ! » Jubilation de la danse associée aux musiques les plus variées, des plus populaires (accordéon bondissant des Balkans) aux plus savantes (arias baroques chantournées de Vivaldi modulées par Cecilia Bartoli ou Philippe Jarousski) en passant par les vibrantes percussions africaines et, bien sûr, par le flamenco, LA danse fétiche de Montalvo. Sans oublier les formes les plus modernes, acrobatiques et spectaculaires du hip hop, du break dance ...

Dans ce tour d’horizon des musiques du monde, les formes ne s’hybrident jamais, ne se fondent pas dans une espèce de bouillon mondialisé insipide, mais restent chacune à l’état pur en respectant leur singularité et celle de chaque danseur. C’est le grand mérite de cette production. Le flamenco, par exemple, qui revient comme un leitmotiv tout au long du spectacle, reste la danse sauvage, sensuelle et provocatrice qu’il a toujours été, servi par des interprètes capables de surmonter tous les obstacles à la séduction. Ainsi, le danseur un rien bedonnant qui tient un instant la vedette, a priori tout le contraire de l’hidalgo, se révèle en fait un bailaor hors pair.

Antidote à la catastrophe

Les ombres au tableau de ce tour d’horizon mondial ne manquent pas. Comme la disparition de la diversité animale que telle danseuse d’origine africaine évoque avec tristesse. Mais la scénographie mise au point par Montalvo la traite avec une poésie touchante. Un montage vidéo un rien surréaliste affiche sur le fond de scène un bateau façon cocotte en papier-journal, frêle esquif à bord duquel prennent place les animaux les plus divers de la création : éléphants, zèbres, cigognes... tout un bestiaire y trouve asile, telle l’arche biblique capable de survivre au déluge universel.

Comme antidote à la catastrophe annoncée, la danse figure comme un dernier recours, un déhanchement désinvolte sur l’air de Jeanne Moreau Le Nombril du monde. Un air de samba entêtant qu’en guise d’épilogue une danseuse fait reprendre en langage des signes au public avec la gestuelle appropriée. Bien rares sont ceux qui lui résistent.

Photo Patrick Berger

Gloria de José Montalvo, aux Chapiteaux de la Villette, jusqu’au 22 octobre, www.lavillette.com
Chorégraphie, scénographie et conception vidéo : José Montalvo. Assistante à la chorégraphie : Joëlle Iffrig. Scénographie et Lumières : Didier Brun, Son Pipo Gomes, collaborateurs artistiques à La vidéo : Sylvain Decay, Franck Lacourt. Avec Karim Ahansal Dit Pépito, Michael Arnaud, Rachid Aziki Dit Zk Flash, Sellou Nadège Blagone, Eléonore Dugué, Serge Dupont Tsakap, Fran Espinosa, Samuel Florimond Dit Magnum, Elizabeth Gahl Lenötre, Rocío Garcia, Florent Gosserez Dit Acrow, Rosa Herrador, Dafra Keita, Chika Nakayama, Beatriz Santiago, Denis Sithadé Ros Dit Sitha.

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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