La 36eme Nuit des Molières

En direct du théâtre des Folies Bergère

La 36eme Nuit des Molières

Enfin la voilà, cette cérémonie des Molières que l’on aime critiquer mais à laquelle on veut participer.
Dans le hall des Folies Bergère, une fois le contrôle passé munie du billet, véritable sésame et ayant reçu un tote bag comme ne l’aurait pas dit Jean-Baptiste Poquelin, nous pénétrons dans ce haut lieu de spectacle. Il y a un côté cours d’école. On se retrouve, on s’embrasse, on rit. Les robes du soir, les costumes noirs, les paillettes et les basquets se côtoient. La tenue de soirée demandée sur les invitations est assez variable.

Thomas Jolly arbore sur le revers de sa veste une belle broche muguet, il vient pour recevoir un Molière d’honneur. Malgré l’immense succès de la soirée des jeux Olympiques, il resta accessible et modeste. Brigitte Fossey toute de rouge vêtue promène sa bonne humeur. Jean Franco qui est à l’affiche de Mon jour de chance, élégant et discret. Patrick Haudecœur est venu avec tous ses pingouins. Denis Lavant regarde, amusé cette foule. Que fait-il dans cette galère ? Les équipes des pièces comiques nommées se prêtent avec facétie aux photo call.

Emmanuelle Bougerol, merveilleuse dans « Orgueil et préjugés ou presque » porte une robe du soir qui aurait conquis Darcy, l’un des personnages qu’elle interprète avec maestria.

L’heure du repas des fauves sonne, nous sommes invités à rejoindre nos places. Les caméras, les régisseurs qui vérifient que les nommés et les intervenants soient bien à leur place. La nuit est en direct…. Ou presque, en léger différé ce qui permet parfois d’éliminer certains moments gênants…
L’ouverture est en musique avec les Misérables, Caroline Vigneaux apparait avec un bonnet Phrygien et un sein à l’air, la liberté guidant le peuple. En 2025, on se choque toujours pour un sein nu, « cachez ce sein que je ne saurais voir ». Une provocation bien inutile. Caroline Vigneaux attaque bille en tête, elle sait que sa prestation de l’an passé n’a pas fait l’unanimité, mais elle assume tout.

Le premier Molière est attribué à la comédie The Loop. La joie de la troupe est communicative.
Le Molière du Seul.E en scène revient à l’extraordinaire Christine Murillo qui campe divinement Pauline Carton. « Bon dieu que je suis contente » dit la récipiendaire comme l’aurait dit cette chère Pauline. Son bonheur fait plaisir à voir, elle rend hommage à toute l’équipe et parle du vide grenier théâtrale. Ce spectacle est une pépite. Christine Murillo nous fera même deux imitations ratées de Jean Marais et Michel Simon. Un triomphe.

La troupe de la Comédie Française est à l’honneur cette année et ce n’est que justice, pas moins de 10 nominations, du spectacle de jeune public avec l’épatant « Sans famille » en passant par le très réussi « Le Suicidé  », « Les six personnages en quête d’auteur », Dominique Blanc pour son rôle de journaliste dans « Contre », Laurent Stocker et Marina Hands pour « Le Soulier de Satin ». La soirée de tous les dangers ? Non celle de tous les bonheurs ! Éric Ruf, administrateur de la Comédie Française et metteur en scène du sublime « Soulier de satin » de Paul Claudel, montera plusieurs fois les marches pour recevoir les Molières du Théâtre Public, le Molière un peu fourre-tout de la création visuelle et sonore, du metteur en scène, et celui du comédien dans un second rôle représentant le formidable Laurent Stocker.

Marina Hands, magnifique dans sa robe noire, sa chevelure de miel descendant sur ses épaules est récompensée pour son interprétation supérieure de Prouhéze dans « Le Soulier de Satin ». Avec beaucoup d’humour elle nous confie que lorsqu’elle a approché la cinquantaine elle a hésité entre la chirurgie esthétique et le théâtre, Elle a choisi la vie de troupe. Elle exhorte que ceux qui sont hors norme de continuer. Comme elle a raison.

Magnifique aussi Delphine Depardieu qui est une Merteuil époustouflante dans la belle mise en scène d’Arnaud Denis des « Liaisons Dangereuses ». Elle parle si bien du métier de comédienne.
Merci à Bruno Putzulu, remettant, de rendre hommage à son professeur et metteur en scène Philippe Adrien.
Denis Lavant reçoit le Molière du comédien dans un spectacle de Théâtre Public dans Fin de partie. Coiffé d’un drôle de petit chapeau son bonheur est communicatif. Il est comme un funambule, un clown céleste qui prend sa statuette dans ses bras la berce puis la brandit.

Bonheur de Guillaume Bouchède, un merveilleux comédien peu connu du grand public est justement récompensé par le Molière du comédien du théâtre Privé dans l’émouvant « Marchands d’étoiles ».
Bonheur de Jean-Philippe Daguerre, grand vainqueur de la soirée pour le formidable du « Charbon dans les veines », qui nous avait bouleversé.

Et puis, et puis il y a l’habituel cortège des revendications, des piques politiques, Caroline Vigneaux fera une imitation ratée du président américain et nous aurons la voix off de Poutine.
Le théâtre est un monde, le reflet du monde, il est normal que l’état politique influence les artistes.
Cette année, Didier Brice a été choisi pour faire le discours de la CGT spectacle. Ce grand comédien excelle dans cet exercice difficile, il demande l’aide du public, il a un carton marqué d’un grand rire afin que nous rions malgré la gravité du discours. Rire avant de pleurer.

Rachida Dati, d’une sobre élégance, restera presque d’un calme olympien. Elle sait très bien qu’être ministre de la Culture invitée à cette grande soirée du théâtre c’est devoir recevoir les doléances du métier.
Si nous aimons beaucoup Thomas Jolly, merveilleux metteur en scène, le fait qu’il reçoive un Molière d’honneur présenté par Fabienne Pascaud pour sa mise en scène des Jeux Olympiques, a de quoi nous étonner.
Joli moment avec Emmanuelle Laborit qui avait reçu le Molière pour « Les enfants du Silence ». Elle signe avec grâce dans un grand silence puis nous avons la traduction. Elle souligne l’absence du monde des sourds…
L’hommage aux chers disparus est toujours émouvant mais pourquoi faire une différence en mettant des photos plus grandes pour Michel Blanc ou Alain Delon par rapport à celle de Jean-Michel Dupuis pour ne citer que lui. Nous trouvons cela parfaitement injuste et irrespectueux.

Les Misérables reçoivent le Molière du Spectacle Musical. Ladislas Chollat est l’heureux metteur en scène du mythique spectacle de Claude-Michel Schöenberg et Alain Boublil. Cette année enfin les Misérables ont pu revenir en France. L’émotion de Claude-Michel Schöenberg est touchante. Alors qu’il a reçu toutes les récompenses mondiales, être à Paris et recevoir ce Molière est pour lui presque un Graal. Sa modestie et son émotion sont si belles.

Il y a eu de beaux moments Marina Viotti et Axelle de Saint-Cirel, belles cantatrices nous chantant sur l’air de Maria de West Side Story, Molière, Molière. Serge Bagdassarian, de la Comédie Française et Jina Djemba, qui n’est pas encore à la Comédie Française remettant un Molière, nous parlent de leurs origines de l’Arménie à la Russie (pour faire court) expriment le choix de la France de leurs parents. La filiation, les parents seront au centre des remerciements de Daguerre à Mirabel, recentrer dans l’intime de ce qui nous forgent.

C’était une belle soirée, avec beaucoup de respect, d’amitié, d’émotion de belles surprises.
Nous nous sommes tous retrouvé dans le hall des Folies Bergère pour sabler le champagne. Nous étions tous heureux, pas d’aigreur, pas de remords. Clovis Cornillac, merveilleux Monet était radieux. Didier Brice félicité pour sa prestation CGT. Éric Ruf avait la lourde tâche de transporter sa cargaison de statuettes.

Pour jouer un peu les contradicteurs, peut-être, et c’est exactement la même chose aux Césars, on peut regretter qu’un spectacle capitalise autant de Molière. Mais tous les prix décernés que ce soit au Charbon dans les veines ou Le soulier de Satin étaient à 100% mérités.

Espérons que ces Molières permettront de remplir les salles. Le théâtre est le meilleur refuge à la morosité.

A propos de l'auteur
Marie-Laure Atinault
Marie-Laure Atinault

Le début de sa vie fut compliqué ! Son vrai nom est Cosette, et son enfance ne fut pas facile ! Les Thénardier ne lui firent grâce de rien, théâtre, cinéma, musée, château. Un dur apprentissage. Une fois libérée à la majorité, elle se consacra...

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