L’Elixir en plein air

• Publié par Quentin Laurens
• 16 juin 2023
• Critiques
• Opéra & Classique
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Angers Nantes Opéra a réussi son coup en remplissant la place Graslin, à Nantes, devant le grand écran qui retransmettait en direct L’Elixir d’amour de Donizetti. Dans une foule dense et réjouie de près de 3 000 personnes, de nombreux néophytes ont découvert, enchantés, les plaisirs de l’opéra.

Répliquée sur les télévisions locales et dans cinquante villes des Pays-de-la-Loire et de Bretagne, cette retransmission aura permis d’apporter l’opéra hors les murs, et de séduire de nouveaux spectateurs. Parmi eux, un groupe de quatre lycéens s’arrêtent par hasard ; ils demandent confirmation : « C’est bien de l’opéra ? » Sûrs de ne pas rester pour les trois heures de spectacle, ils apprécient la démarche : « On nous montre une musique qu’on ne connaît pas. »

Un peu plus loin, Antonin et Angie, 31 ans, s’initient aussi : « On est plutôt musiques alternatives, mais ici, on découvre un art, c’est génial. » Ce qui les a le plus marqués ? « La mise en scène contemporaine, qui change un peu l’image de l’opéra. » Et puis « le jeu d’acteurs puissance mille, ce sont des comédiens en réalité ! » Le spectacle de David Lescot, manifestement, avec cette ferme de gitans, ces costumes colorés et le jeu d’acteur particulièrement travaillé, a convaincu.

Plus habitués à l’autotune qu’à l’art lyrique
Paul et Pierre-Marie, tous deux 22 ans, ont été tentés par un événement publié sur Facebook : « Pour être honnêtes, on est une génération plus habituée à l’autotune qu’à l’opéra. Mais là, ça donne envie, c’est une vraie découverte ! Les voix sont incroyables, surtout celle de la mariée. » Alors, seraient-ils prêts à franchir le seuil de l’opéra, quelques mètres derrière eux ? « Si c’est pas trop cher, oui, c’est sûr ! » Rendez-vous est pris pour l’année prochaine.

Passionné de musique et chanteur lyrique amateur, Jacky, 80 ans, a la mine réjouie : « Je suis touché de voir autant de monde, autant de diversité, beaucoup de familles, de jeunes. » Fier d’entendre un air de Belcore qu’il a lui-même chanté, « Come Paride vezzoso », il est certain que l’initiative aidera à « faire tomber les préjugés ». Car pour lui « l’opéra doit aller rencontrer de nouveaux publics, et le montrer de cette manière en grand écran y contribue. ».

Des familles, il y en a. Fauteuils, plaids et sandwichs, Béatrice a tout préparé pour faire découvrir à ses enfants l’Elixir. Pas certain du sort réservé à l’amour d’Adina et Nemorino, Gabriel, 11 ans, a été amusé toute la première partie, et a bien compris l’entourloupe de Dulcamara : « C’est du bluff, c’est sûr. »

Aussi simple que grandiose
Un couple de cinquantenaires assiste, ému, à cet Elixir : « Ça me rappelle mes parents, qui ont été abonnés ici pendant cinquante ans », explique Lydie. Son mari commente : « Un opéra farcesque se prête mieux au plein air que du tragique, le bruit ambiant, le mouvement, ça appauvrirait le drame. »

Caroline, 26 ans, et Romain, 35 ans, voient ce soir leur premier opéra. Ils applaudissent avec enthousiasme les chanteurs sortis du théâtre pour saluer le public. « On était comme dans un film, pris par l’histoire et l’énergie » de la scène. L’opéra en grand écran leur aura offert « une fenêtre sur l’intérieur », et un moment de plaisir : « Je résumerais en disant que c’était aussi simple que grandiose ; simple d’être parmi la foule, grandiose de découvrir cet art magnifique. »

L’Elixir d’amour aura-t-il agi comme philtre auprès d’un public inhabituel ? Angers Nantes Opéra a ouvert la scène ce soir, et a permis à de nombreux spectateurs de faire un premier pas, peut-être, vers la salle de velours.

Gaetano Donizetti : L’Elixir d’amour. Théâtre et place Graslin, à Nantes, le 15 juin 2023.