Bruxelles – La Monnaie jusqu’au 29 décembre 2011

Cendrillon de Jules Massenet

Au cœur du merveilleux

Cendrillon de Jules Massenet

L’esprit du lieu s’inscrit dès l’entrée dans la salle : en sépia et bistre, les pages d’un livre ancien sont ouvertes sur l’avant scène. On peut y lire des bouts de phrases que Perrault consacra à sa Cendrillon en 1697, telles qu’elles apparurent dans l’édition illustrée par Gustave Doré. Le metteur en scène Laurent Pelly ne fait pas de détour, il nous emmène en direct au cœur du conte, au cœur du merveilleux et offre, en ces jours de fêtes, quelques heures d’enfance enchantée.

En parfaite symbiose avec une distribution de chanteurs habités par leurs drôles de créatures et un orchestre qui, sous le nerf tendu de la direction d’Alain Altinoglu, rend à Massenet la fraîcheur et les couleurs de son arc en ciel musical.

On la voit peu cette Cendrillon de charme et de tendresse créée en 1899 à l’Opéra Comique qui, en mars dernier, la fit revivre après un siècle d’éclipse (voir webthea du 8 mars 2011). La version italienne que Rossini en tira en 1817, 82 ans avant Massenet, occupe plus souvent les tréteaux et les fosses. A Paris au Palais Garnier, sa Cenerentola se trémousse actuellement en bouffonneries de commedia dell’arte dans une production de quarante ans d’âge (voir webthea du 1er décembre 2011). La Monnaie n’a pas puisé dans les archives lointaines, sa Cendrillon bien française n’est pourtant pas une nouvelle création maison, elle fut imaginée par Laurent Pelly à Santa Fe en 2006 puis applaudie au Covent Garden de Londres. Succès sur toutes les lignes. On ne l’a pas encore aperçue en France. Elle vaut un voyage.

Loufoquerie et romantisme

Six portes s’ouvrent dans les panneaux-pages du décor. L’envers est rouge, couleur de la cour. Les idées fourmillent, elles sont simples et poétiques, souvent cocasses, des abats jours en escadrons, une forêt de cheminées, un sceau royal qui devient portique ou horloge. Les costumes, les robes désopilantes avec leurs faux culs rebondis, portent la signature du metteur en scène. Les chorégraphies de Laura Scozzi baignent dans la même humeur farceuse et rêveuse à la fois.

Contrairement à Rossini, Massenet reste fidèle au modèle de Perrault et le livret poème d’Henri Cain offre, chose rare à l’opéra, un vrai texte loufoque et romantique, fait d’humour et de jeux de mots. La marraine fée, la pantoufle de verre (ou de vair, allez savoir !), la citrouille transformée en carrosse, tous les ingrédients de la féerie répondent présents, papa Pandolfe est bien le brave type mal remarié à une aristo acariâtre lestée de deux gamines épouvantails tandis que Cendrillon, la malmenée, contre vents et marées, incarne la bonté.

Grâce et malice

Avec sa voix lumineuse, sa diction bien articulée, la soprano Anne-Catherine Gillet prend avec grâce et malice les habits et l’âme de l’héroïne dans la version traditionnelle avec un prince chanté par une mezzo : Sophie Marilley agile de voix comme de jeu. Version revue : une double distribution des premiers rôles unit la soprano Rinat Shaham au ténor Frédéric Antoun. Nora Gubisch altière madame de Haltière joue et chante les ridicules avec délectation, Angélique Noldus, Ilse Eerens campent des fofolles montées sur ressorts, Eglise Gutiérriez reste une fée aux aigus en vrille et au medium étouffé (webthea du 8 mars 2011) et Lionel Lhote donne à Pandolfe rondeur et chaleur communicative.

Cendrillon de Jules Massenet, livret-poème d’Henri Cain d’après Charles Perrault. Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie, direction Alain Altinoglu (en alternance avec Samuel Jean), chef de chœur Martino Faggiani, mise en scène Laurent Pelly (reprise par Benoit De Leersnyder, chorégraphie Laura Scozzi (reprise par Karine Girard), costumes Laurent Pelly, décors Barbara de Limburg, lumières Duane Schuler (reprises par Simon Bennison). Avec Anne-Catherine Gillet en alternance avec Rinat Shaham, Sophie Marilley en alternance avec Frédéric Antoun, Nora Gubisch, Angélique Noldus, Ilse Eerens, Lionel Lhote, Eglise Gutiérriez…

Bruxelles, la Monnaie les 9, 13, 14, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 27, 28 & 29 décembre à 20h, les 11 & 18 à 15h

+32 (0)70 233 939 – www.lamonnaie.be

Photos : Johan Jacobs

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook