Une nouvelle salle à Munich

Daniele Gatti installe une cathédrale brucknérienne au cœur de l’Isarphilharmonie.

Une nouvelle salle à Munich

CONSRUIT EN 1985, LE GASTEIG est en travaux. Le Gasteig ? Un complexe culturel dans lequel se produisait, jusqu’à un passé récent, l’Orchestre philharmonique de Munich. En attendant l’hypothétique réouverture du lieu, cette noble formation donne ses concerts dans une salle provisoire, installée tout au sud de la ville et baptisée Isarphilharmonie – du nom de l’Isar, affluent du Danube, qui coule à Munich. Une salle construite en un temps record, en bois sombre (pour les murs) et clair (pour le plancher), qui s’inscrit dans un vaste bâtiment de brique et de béton abritant aussi un vaste foyer muni d’une volée de balcons spectaculaire.

D’une capacité de 1 900 sièges, cette salle se situe à mi-chemin, par sa jauge, de l’Auditorium de Radio France et de la Philharmonie de Paris. L’acoustique y est claire, aérée, assez peu réverbérée, et défavorise légèrement les bois (c’est du moins l’impression qu’on peut éprouver lors d’une première écoute) au bénéfice des cordes et des cuivres. Il est vrai que le programme auquel nous avons assisté met en valeur tout ce qu’un orchestre symphonique peut avoir d’imposant. Comme l’ensemble des symphonies de Bruckner, la Neuvième en effet ne peut cacher la formation d’organiste de son auteur : blocs de sons, falaises abruptes, crescendos immenses, silences béants, voilà une musique qui assène, qui proclame éperdument sa foi en Dieu. On peut être épris de concision et préférer des musiques plus allusives, mais la candeur avec laquelle Bruckner fait sonner son orchestre à la limite de la puissance a quelque chose de spectaculaire et d’attendrissant à la fois.

Finale superflu

Valery Gergiev était directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Munich depuis 2015. L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes en a fait un chef indésirable un peu partout, et c’est Daniele Gatti qui dirigeait le concert dont nous parlons. La hauteur de vue du chef, le soin qu’il met à ménager les progressions, l’ampleur des tempos qu’il choisit, s’inscrivent tout à fait dans l’esprit de cette musique ; on peut se faire là, grâce aussi à la splendide cohésion de l’orchestre, une idée très précise de ce que voulait Bruckner, de ce qu’il entendait. La partition de la Neuvième Symphonie est toutefois restée inachevée, et plusieurs musicologues ont essayé d’en reconstituer le finale : Daniele Gatti, qui s’en tient aux trois mouvements terminés par le compositeur, nous montre qu’il est inutile d’essayer d’aller plus loin.

En première partie, Renaud Capuçon est l’interprète sans faille du Premier Concerto pour violon de Max Bruch ; une œuvre cent fois jouée, dont le succès épuisait Bruch lui-même (qui aurait aimé qu’on se penche un peu plus sur ses autres compositions !) mais dont le plan insolite captive l’attention (le vaste premier mouvement s’enchaînant au splendide mouvement lent) et dont le lyrisme a quelque chose de réjouissant. En bis, la « Danse des ombres heureuses » de l’Orphée de Gluck arrangée pour violon seul est une bouffée éperdue qui traverse la salle à la manière d’une prière amoureuse.

Illustration : Daniele Gatti (dr)

Max Bruch : Concerto pour violon et orchestre n° 1 ; Anton Bruckner : Symphonie n° 9. Renaud Capuçon, violon ; Orchestre philharmonique de Munich, dir. Daniele Gatti. Isarphilharmonie, 13 mai 2022. Ce programme est redonné par les mêmes interprètes à la Philharmonie de Paris le mardi 17 mai.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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