Critique - Opéra/Classique

Turandot de Giacomo Puccini

Un opéra de choeurs et de coeur pour le festival de Peralada

Turandot de Giacomo Puccini

Le public de Barcelone et de la Costa Brava est venu fidèle une nouvelle fois à Peralada souffler cette année les 30 bougies du Festival. La direction pour sa part, a mis les petits plats dans les grands pour fêter l’évènement et a présenté un programme avec, en point d’orgue, l’opéra Turandot de Giacomo Puccini. Suivant la tradition du Festival et en attendant la tombée de la nuit - la représentation se faisant en plein air - les festivaliers ont pu apprécier le traditionnel buffet, digne de Gargantua.

La production de ce Turandot jouissait de plusieurs atouts. Tout d’abord par la présence d’Iréne Theorin qui avait fait une excellente impression au Liceu de Barcelone cette dernière saison dans le rôle de Brunehilde du Götterdammerung de Richard Wagner. Deuxième atout : la mise en scène de Manuel Gas, vieux routard du théâtre mais aussi impliqué dans le cinéma, la télévision et même l’opéra - en particulier à Peralada -.
En prime, le public a eu l’occasion d’entendre les 75 choristes d’Intermezzo, entreprise consacrée au renforcement des choeurs lyriques, présente dans la plupart des théâtres espagnols et pourvoyeuse de la totalité du choeur du Teatro Real de Madrid. C’est donc au cœur d’une nuit sereine, sans nuages ni tramontane (deux soucis majeurs des organisateurs) que le rideau s’est levé.

Un orchestre sans surprises

L’orchestre du Liceu de Barcelone connait à fond l’oeuvre de Giacomo Puccini et même s’il est surtout familier du lyrisme de Madame Butterfly, de La Bohème, ou du dynamisme de Tosca il a magistralement su souligner les accents plus hiératiques et solennels de son ultime Turandot. Très attentif à la scène, le maestro Giampaolo Bisanti a beaucoup facilité le travail des chanteurs. Il a aussi entraîné énergiquement l’ensemble des musiciens en appui des choeurs, point fort de la soirée.

Des solistes à la hauteur

Iréne Theorin en Turandot s’est montrée à la hauteur de la tâche : elle a raconté l’histoire de son ancêtre avec émotion et une certaine nostalgie, et, d’une voix solide, incisive, a prononcé les énigmes avec autorité et précision. Sans atteindre vocalement la perfection formelle - quelque cris non contrôlés, quelques notes inaudibles dans le registre grave - elle a réussi à rendre crédible le personnage aussi bien dans ses doutes que dans ses certitudes, dans sa haine comme dans son amour pour Calaf. Robert Aronica fut ce Calaf efficace. Il a particulièrement réussi le tant espéré « Nessun dorma » (il s’est même montré visiblement content de sa performance) et il s’est donné à fond pour convaincre le public de la nature ambigüe de son personnage. Certes le ténor possède une voix douce, sonore, au timbre agréable dans le medium, mais qui malheureusement se raidit dans les aigus. Les deux protagonistes ont parfaitement réussi le dialogue final composé par Franco Alfano après la mort de Puccini. Maria Katzarava a été une Liù lyrique, émouvante. Mais rlle a opté pour un volume de voix trop faible, inapproprié par rapport à la grandeur de l’auditorium de Peralada. D’où quelques passages peu audibles ou même tout à fait inaudibles. Elle fut néanmoins chaleureusement applaudie.

Que dire des trois ministres -Manel Esteve (Ping), Francico Vas (Pang) et Vicenc Esteve Madrid (Pong)- sinon qu’ils ont été un vrai succès de casting ? En plus de leurs qualités vocales indispensables pour ces rôles, le trio se connait et travaille ensemble depuis de nombreuses années. Mario Gas a utilisé leur connivence et, dans des limites bien identifiées, les a laissé composer leurs personnages à leur guise. Le résultat fut un régal, en particulier quand, au début du deuxième acte, ils passaient avec la plus grande fluidité de la colère à la nostalgie, de la veulerie à l’indifférence, insérant dans leur jeu de nombreuses notes comiques en vrais connaisseurs de l’art de la pantomime.
Josep Fadó (Altoum), Andrea Mastroni (excellent Timur)- et José Manuel Diaz (le Mandarin, ont dignement complété la distribution.

Les hauts et les bas d’une mise en scène classique.

Mario Gas n’a pas cherché l’originalité. Il s’est contenté de rester dans les chinoiseries avec une scénographie et des costumes à la « chinoise », heureusement simplifiés, signés respectivement Paco Azorín et Antonio Belart. Cela a facilité la lecture de l’opéra. Seuls les trois ministres portaient un smoking sous leur toge orientale anticipant la fin de l’oeuvre où le smoking pour les messieurs est devenu de rigueur. Car après le suicide de Liù le metteur en scène a fait interrompre la représentation pour annoncer qu’Arturo Toscanini, le jour de la première avait arrêté à ce moment la représentation car Giacomo Puccini était mort à ce point de la partition.

Le Choeur mis en place par Intermezzo : le clou de la soirée.

Le peuple chinois, représenté par le choeur est, bien sûr, un personnage important, et même indispensable, dans la sordide histoire de Turandot. Spectateur passif au départ, participant activement ensuite, à la recherche du nom du prince inconnu, il est le témoin principal de toutes les phases de l’histoire. Le choeur mis en place par Intermezzo a été déterminant pour le succès de la production. Ces choristes, choisis un par un spécialement pour l’occasion, animés d’un grand désir de perfection pour leur première apparition au Festival, ont fait preuve d’une solidité indiscutable, d’une connaissance affinée de la partition et d’une discipline vocale digne des meilleurs. Bien préparés par Enrique Rueda, directeur invité, ils ont souligné pas à pas les principales péripéties du conte. Les sopranos ont atteint des notes stratosphériques sans effort apparent, avec clarté et élégance, les barytons ont maintenu l’équilibre de l’ensemble des intervenants, et les pupitres ont apporté une impeccable contribution à l’équilibre global du choeur. .

Turandot, opéra en trois actes de Giacomo Puccini, livret de Renato Adami et Renato Simoni, fondé sur la comédie de Carlo Gozzi. Production du Festival de Peralada. Orchestre du gran Teatre del Liceu. Choeur infantil : Cor Infantil Amics de l’Unió. Choeur Intermezzo. Direction musicale de Giampaolo Bisanti. Mise en scène : Mario Gas. Décors : Paco Azorín. Habillage : Antonio Belart. Eclairages : Quico Gurtiérrez. Chanteurs : Irène Theorin, Josep Fadó, Andrea Mastroni, Roberto Aronica, Maria Katzarava, Manel Esteve, Francisco Vas, Vicenc Esteve Madrid, José Manuel Díaz.

Festival del castell de Peralada les 6 et 8 août 2016

www.festivalperalada.com

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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