King Arthur de Purcell au Théâtre des Champs-Élysées le 13 octobre

Purcell pur sucre

Hervé Niquet met de l’ambiance sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées en dirigeant la musique de scène de King Arthur avec beaucoup de fantaisie.

Purcell pur sucre

IL EST TOUJOURS DIFFICILE DE REPRÉSENTER, devant un public français, un semi-opéra comme Purcell nous en a laissés plusieurs (The Fairy Queen, The Indian Queen, etc.). Il s’agit là en effet d’un genre particulièrement hybride, qui télescope une pièce dramatique souvent très longue et riche de nombreuses péripéties, et de nombreux intermèdes musicaux qui ont peu à voir avec l’intrigue de la pièce. Nous sommes loin de l’opéra-comique à la française ou du singspiel, d’une tout autre cohérence musicale et théâtrale. C’est la raison pour laquelle, la plupart du temps, les chefs d’orchestre se contentent de donner à entendre les seuls intermèdes qu’on a cités.

C’est ce que vient de faire Hervé Niquet à l’occasion de King Arthur de Purcell. Exit la pièce de John Dryden, qui célèbre la patrie britannique, les bagarres entre Saxons et Bretons, les sortilèges de Merlin, etc. Ne restent que la musique et ses personnages allégoriques ou familiers (buveurs, bergères, etc.), pour lesquels le compositeur a imaginé une série foisonnante d’airs, de danses et de chœurs, tous assez concis mais pleins d’invention. Tout le monde connaît l’air du génie du froid (Cold Song), mais la partition comprend d’autre joyaux comme « Fairest Isle » chanté par Vénus ou le chaloupé « Old England », apothéose de la chanson à boire.

La fraîcheur puis le froid

Cinq solistes sont ici réunis, qui n’interprètent pas des personnages, on l’a compris. Hélène Guilmette et Floriane Hasler ont la fraîcheur qui convient, Andreas Wolf, par ailleurs fin musicien, manque peut-être de quelques graves dans le Cold Song, mais Cyril Auvity est un haute-contre (ténor aigu, à ne pas confondre avec contre-ténor) plein d’allant, et Robin Tritschler (taille, comme on disait autrefois, c’est-à-dire ténor moins aigu) nous inviterait presque à trinquer avec lui à l’intérieur d’un pub.

Hervé Niquet avait autrefois dirigé le même ouvrage* (au Festival de Radio France et Montpellier 2008, à l’Opéra royal de Versailles en 2022), dans une version un peu plus étoffée mise en scène par Shirley et Dino ; il dirige ici son Concert spirituel avec l’allant qu’on lui connaît : verdeurs des bois, percussions efficaces, l’orchestre chatoie de toutes ses couleurs. Niquet se permet quelques facéties, ce qui n’étonnera personne : ainsi, au moment du Cold Song, tous les choristes, et Niquet lui-même, sortent les bonnets, les gants et les écharpes. Lesdits choristes, par ailleurs, chantent sans partition, ce qui leur permet de bouger, de s’installer dans des configurations différentes, etc. Il y a là une décontraction à cent lieues du laisser-aller : la Musique pour les funérailles de la reine Mary (protectrice de Purcell), jouée avec solennité au début du concert, suffirait à nous le rappeler.

Illustration : les musiciens pendant le froid (dr)

* Il l’a enregistré en 2003 à l’Arsenal de Metz pour Glossa.

Henry Purcell : Musique pour les funérailles de la reine Mary - King Arthur. Hélène Guilmette, soprano ; Floriane Hasler, mezzo-soprano ; Cyril Auvity, haute-contre ; Robin Tritschler, taille ; Andreas Wolf, basse. Chœur et orchestre du Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet. Théâtre des Champs-Élysées, 13 octobre 2025.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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