Un concert monographique consacré à la musique de Gérard Condé

Pour le plaisir en effet

Gérard Condé vient de nous offrir une anthologie de ses compositions récentes, dont un magnifique quatuor donné en création.

Pour le plaisir en effet

LA RÉCENTE PARUTION DE SON LIVRE consacré à Massenet (chez Bleu Nuit) confirme l’attachement de Gérard Condé au répertoire lyrique français du XIXe et du XXe siècle. Mais s’il collabore à L’Avant-Scène Opéra, à Diapason et à Opéra Magazine, Gérard Condé, par vocation, est d’abord compositeur. Comme il l’écrit lui-même : « J’ai assemblé, tant bien que mal, mes premières notes vers l’âge de neuf ans… et je continue parce que je ne peux pas faire autrement. »

Né en 1947 à Nancy, Gérard Condé a d’abord étudié l’harmonie (et le droit) dans sa ville natale, avant de suivre, à Paris, l’enseignement de Max Deutsch, disciple de Schoenberg. On lui doit une centaine d’œuvres, essentiellement vocales, dont une Messe, une trentaine de mélodies, des mélodrames, des chœurs et trois opéras pour tous les publics : La Chouette enrhumée*, Salima, Les Orages désirés. Autant de partitions étonnantes : on raconte qu’une exécution de Darjeeling a failli mettre le feu à l’espace de projection de l’Ircam…

C’est pour célébrer ce fin musicien que vient d’être organisé un concert monographique, baptisé « Juste pour le plaisir », qui a permis d’entendre plusieurs de ses œuvres récentes pour petit effectif (instrument seul, quatuor à cordes, mélodies avec piano) dont quatre données en création. Comment ne pas penser à Berlioz s’exclamant en substance : si je le pouvais, j’organiserais des concerts pour moi seul et pour mes amis !

Con spirito

Per amica silentia, tel est le titre du recueil sur des poèmes de Verlaine, composé en 2004, qui faisait l’objet de la première de ces créations. Quatre mélodies qui marquent l’attachement de Gérard Condé au genre tel qu’il fut illustré par un grand nombre de compositeurs français, de Berlioz et Debussy à Fauré, Poulenc et quelques autres. À la clarté de la prosodie voulue par le compositeur répond le sens du phrasé de la mezzo Lamia Beuque, qui fait entendre les mots de son beau timbre fruité. Elle est accompagnée par le piano attentif de Jean-Christophe André, très suggestif dans l’énigmatique postlude qui conclut le recueil. Après le pas (sur un poème de Silvia Baron Supervielle) et surtout les huit poèmes d’Yves Bonnefoy réunis sur le titre De barque à barque, confirment cette impression de lumière à peine troublée par des harmonies énigmatiques.

François Le Roux (qui fut notamment Pelléas sous la baguette de John Eliot Gardiner) brille dans Les Chansons de Rabbi Mosché, pièces malicieuses qu’on savoure évidemment si l’on est sensible à l’humour juif. Dans les Litanies de Satan, sur un poème de Baudelaire, le baryton montre qu’il est resté un chanteur de théâtre, la voix sonore, le verbe ciselé, accompagné dans un même élan par le pianiste Jeff Cohen.

Sebastijan Bereta fait entendre pour la première fois Vers l’infini… ou poursuite du vent, page pour flûte seule dont la forme est faite de bourrasques et de souffles lancés dans l’infini du temps, comme l’indique le titre. Mais la création du cycle pour orgue Les Automnes souffre des qualités relatives de l’instrument Blumenroeder du Temple du foyer de l’âme, qui contrarient le talent d’Arthur Nicolas-Nauche et nous font perdre le fil de la musique.

Con moto

Reste le morceau de choix de la soirée : un Quatuor à cordes composé en 2010, donné lui aussi en création, vaste et captivante partition faite de cinq mouvements. Tout commence par un « Allant » qui s’ouvre par une espèce de micro-prélude espiègle, et que suit un « Con spirito » plein d’esprit en effet, et de surprises. Le cœur de la partition est un « Adagio con moto » d’où surgit peu à peu un chant d’une belle envolée, que les membres du Quatuor Lontano magnifient avec lyrisme. Viennent ensuite un bref « Furtivo », enfin un « Fluide » qui est en soi un petit quatuor fait de tempos changeants, de plaisanteries cachées, de fausses codas, dans un esprit de liberté à l’image du compositeur.

Gérard Condé, qui se dit capteur de beauté, a renoué il y a quelques années avec l’accord parfait ; pour autant, sa musique ravit autant qu’elle surprend parce qu’elle se permet, précisément, toutes les fantaisies.

Illustration : Gérard Condé (en haut, un portrait de son grand-père, le peintre, sculpteur, céramiste et marionnettiste Geo Condé, 1891-1980) ; dr.

Gérard Condé : Après le pas – Per amica silentia – Vers l’infini… ou poursuite du vent – Les Chansons de Rabbi Mosché – Quatuor à cordes – De barque à barque – Les Automnes – Litanies de Satan. Lamia Beuque, mezzo-soprano ; François Le Roux, baryton ; Jean-Christophe André, piano ; Jeff Cohe, piano ; Sebastijan Bereta, flûte traversière ; Arthur Nicolas-Nauche, orgue ; Quatuor Lontano. Temple du foyer de l’âme, Paris XIe, 11 juin 2024.
* Prochain rendez-vous avec la musique de Gérard Condé : La Chouette enrhumée, Conservatoire du XIIIe arrondissement, mercredi 19 juin, 15h et 19h30.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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