Plus haut que le ciel de Florence et Juiien Lefebvre
Qui inventa la tour Eiffel ?
Eiffel et sa tour sont dans le ciel du théâtre. La comédie de Florence et Julien Lefebvre (ce dernier est l’auteur du Cercle de Whitechapel), Plus haut que le ciel, doit être la troisième pièce de l’année consacrée à l’inventeur de la « dame de fer ». Pour notre part, nous avions beaucoup aimé La Tour de 300 mètres de Marc Deren, mise en scène par Julien Rouquette, donnée aux Mathurins la saison dernière. C’était une comédie musicale. Le spectacle mis en scène par Jean-Laurent Silvi au théâtre Fontaine n’est pas chanté. Il relève de cette tradition joyeuse et bienfaisante qui consiste à parcourir le passé avec un esprit critique et moqueur. Si le texte de Marc Deren maintenait l’image de Gustave Eiffel dans sa grandeur d’homme illustre (sans oublier, pour autant, de mentionner les poursuites dont l’ingénieur fit l’objet, pour les bénéfices douteux qu’il tira plus tard de la construction du canal de Panama), le tableau tracé par Florence et Lucien Lefebvre donne une image franchement négative du héros : Gustave Eiffel est, à leurs yeux, une vraie canaille.
Dans les bureaux de sa société, notre homme cherche les bonnes idées. Deux jeunes confrères passent, proposant la création d’une grande tour en métal. Eiffel flaire le bon coup, et sa jeune fille plus encore. Le roi de la construction métallique reprend et transforme le projet. Il propose à Paris et à l’Etat cette invention qui fait à peu près l’unanimité contre elle mais séduit le ministre le plus concerné. Eiffel et son équipe iront jusqu’au bout. Tout finira par un mariage, celui de Mlle Eiffel avec l’assistant de Papa. Les ennemis de la tour se mettent à l’encenser, dès lors qu’elle se dresse dans le Champ-de-Mars. Eiffel n’a plus qu’à aller dénicher une autre affaire ailleurs.
L’écriture de Florence et Lucien Lefebvre, selon lesquels la tour Eiffel n’a pas été totalement inventée par son créateur, avance par à-coups, par sursauts. Dès que le fil se relâche, une scène franchement drôle ou un face à face bagarreur se mettent place. La mise en scène de Laurent Silvi atteint une parfaite efficacité, fondée sur le contraste des caractères et la rapidité du dialogue ; elle s’appuie aussi sur les décors à la juste touche historique de Margaux Van den Plas (qui est aussi l’une des actrices de la pièce) et sur une vidéo aux effets bienvenus. Frédéric Imberty incarne Eiffel avec un tempérament de rondeur à la fois féroce et bonhomme : c’est un remarquable acteur satirique. Margaux Van den Plas, qui n’est donc pas seulement scénographe, donne une séduisante énergie sensible au rôle de la fille d’Effel. Thomas Ronzeau, Nicolas Le Guen, Axel Blind, Jean Franco (qu’on connaît comme auteur et qui interprète ici cinq personnages de second plan) sont, avec habileté, les figures contrastées de cette comédie de la finance et de l’architecture. Héloïse Wagner, enfin, en grande bourgeoise odieuse et cupide, compose, dans une robe spectaculaire mais néanmoins élégante, un portrait-charge de haute volée. Ici, on revisite l’Histoire sans retenir ses rires. C’est peut-être trop méchant pour Eiffel (ou peut-être pas, consultez vos livres d’histoire en sortant) mais c’est de la bonne comédie dans notre tradition d’irrespect populaire.
Plus haut que le ciel de Florence et Julien LEFEBVRE, mise en scène de Jean-Laurent SILVI assisté de Nastassia SILVE.
Décors Margaux VAN DEN PLAS Costumes Frédéric OLIVIER Lumières Éric MILLEVILLE Musique Romain TROUILLET
Avec Frédéric IMBERTY, Margaux VAN DEN PLAS, Thomas RONZEAU, Axel BLIND, Nicolas LE GUEN, Jean FRANCO, Héloïse WAGNER.
Théâtre Fontaine, du mercredi au dimanche à 19h00, tél. : 01 48 74 74 40, jusqu’au 19 janvier. (Durée : 1 h 15).
Photo DR.