La mort de Tchéky Karyo
Puissance et Douceur
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- 1er novembre
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Tchéky Karyo est mort, âgé de 72 ans, le 31 octobre en Bretagne. La vie a été trop courte pour cet acteur-chanteur d’une nature rare, frappé par un insidieux cancer. Quelle vie, pourtant ! Pleine d’interprétations au théâtre, de films populaires ou à contre-courant, de chansons, de participations à des événements chaleureux et bruyants où il livrait toute sa fougue amicale ! Il était né le 4 octobre 1953 à Istanbul. Ce Franco-turc cumulait les héritages turc, espagnol et juif. Son père était un tailleur turc, sa mère était grecque, Tchéky se mit au français dès l’enfance quand la famille s’installa à Paris. Il eut l’audace de choisir la voie du théâtre, dont la porte étroite favorise plutôt la bourgeoisie, et il s’y impose assez rapidement. Il rejoint la jeune compagnie de l’électrique Daniel Benoin, qui est alors installée au théâtre Daniel Sorano à Vincennes. Il est déjà là un phénomène de puissance et de douceur. Ensuite, entré au Théâtre national de Strasbourg, à l’époque des André Engel et des Jean-Pierre Vincent, il est l’une des grandes figures de cette vague aux personnalités fiévreuses, lyriques et philosophiques, où son individualité, dont la force se double d’une évidente séduction, se détache à côté des Philippe Clévenot, Bertrand Bonvoisin, André Wilms, Benoît Régent… C’étaient les flamboyantes années 1980-1990. On retiendra, parmi d’autres grands spectacles fondés sur le répertoire et l’écriture moderne, son Othello dans une mise en scène d’Hans-Peter Cloos, en compagnie de Myriem Roussel, à Bobigny, en 1986.
Débordé par ses engagements au cinéma – où il est une vedette colossale à partir de L’Ours de Jean-Jacques Annaud en 1988 - il n’abandonne jamais le théâtre, avec tantôt un pied dans le secteur public, tantôt un pied dans le secteur privé. Il aime les expériences, rejoint les essais littéraires de Simone Benmussa ou les performances poétiques de Zeno Bianu. Son premier disque de chanteur s’appelle Ce lien qui nous unit : tout Karyo est dans ce titre.
Il était toujours d’une délicate attention. Fidèle à Daniel Benoin qui avait été son premier metteur en scène, il était venu au dixième anniversaire du théâtre Anthéa à Antibes – dont Benoin dirige la jeune et triomphale bâtisse -, le 5 avril 2023. Il y avait pris la parole et dialoguait avec Benoin, Helena Noguerra, Lambert Wilson, Jean-Michel Ribes, sans cesse curieux des projets et des uns des autres. Dans l’ouvrage consacré à ce lieu antibois, Anthéa, une aventure théâtrale novatrice (L’Avant-Scène théâtre, 2023), il glissait ce petit billet parmi les préfaces : « Il y a les murs, il y a le contenu, les âmes, la chair. Une équipe qui, grâce à ses talents, au savoir-vivre, à la convivialité, au sens de l’accueil, à l’ouverture d’esprit et à la curiosité, a fait d’Anthéa un lieu de culture et de diversité adopté par les artistes et un public généreux et fidèle. Avoir eu la chance de chanter, de jouer la comédie dans ce beau navire plein d’élégance et d’harmonie, reste un souvenir merveilleux ». La classe, le talent et le sens de la fête profonde.
Photo X, site Tchéky Karyo Facebook.



