Opéra de Nice

Pelléas et Mélisande de Claude Debussy et Maurice Maeterlinck

Un cadre précieux pour une œuvre sublime

Pelléas et Mélisande de Claude Debussy et Maurice Maeterlinck

Le magnifique Opéra de Nice a enfin accueilli Pelléas et Mélisande de Claude Debussy et Maurice Maeterlinck que la ville attendait depuis des décennies. La rigoureuse perspective symétrique des loges, brisée sur la scène par le parallélépipède scalène proposé par Virgil Kœring pour tout décor, a mis immédiatement en exergue la souffrance à venir des personnages du récit dont la vie va se disloquer à l’arrivée de Mélisande.

Le décor joue donc un grand rôle dans le récit de cette histoire : une simple pièce sans angles droits, avec une grande porte-fenêtre à droite par où des éléments simples et compréhensibles –le feu d’un volcan, la lune, la pluie, la neige…- viennent expliquer les dessous du conte, les états d’âme des héros. L’éclairage et certains effets vidéo de Patrick Méeus complètent le cocon bancal et inhospitalier où se déroule l’histoire sordide d’une trahison maritale que la magie de la musique de Claude Debussy a transformée en conte de fées pour adultes.

Une production définie par ses costumes

Si le décor compte pour beaucoup, les costumes –dessinés par René Kœring, metteur en scène et père du décorateur- et les quelques objets utilisés ici ou là –les bicyclettes, la voiture télécommandée du petit Yniold...-, soulignent sans ambigüité que l’imbroglio familial n’est pas seulement une histoire d’hier, mais aussi d’aujourd’hui, c’est-à-dire de tous les temps. La volonté de René Koering est évidement de nous rendre l’histoire, les personnages plus proches, plus familiers. Or si les conflits familiaux peuvent nous sembler actuels, ou même universels, la langue de Maeterlink est bien loin de notre réalité, et les costumes contemporains enlèvent tout le mystère voulu par les auteurs. De nouveau on a vu que la seule manière de nous rapprocher d’une œuvre ancienne serait de montrer la distance qui nous sépare d’elle.

Pour le reste, la direction d’acteurs de René Kœring est tout à fait réussie, travaillée jusqu’au moindre détail, méthodique jusqu’à la maniaquerie sur les options prises : pour lui, clairement, Mélisande est une femme-enfant, à la fois peu sûre d’elle et manipulatrice ; Golaud est une bête obtuse et brutale dès le début du récit, Yniold –à la tignasse de Poil de carotte est un enfant martyr…

Une prise de rôle bien encadrée par des professionnels

L’attention du public s’est particulièrement portée sur Sébastien Guèze, qui prenait le rôle de Pelléas. Le ténor a pour lui sa jeunesse mais aussi sa voix au timbre fruité –qui se perd quelque peu dans l’aigu forte-, avec une excellente maitrise du medium et un sens inné du récitatif, conditions de base pour réussir le personnage. Par ailleurs il a chanté sans doutes ni hésitations, sûr de lui à côté de collègues chevronnés qui n’ont pas particulièrement essayé de le protéger.

La liste commence avec Sandrine Piau qui, se pliant aux exigences de René Kœring, a réussi une Mélisande attachante, proche des autres personnages, réaliste et donc très différente de celle qu’elle interpréta à la Monnaie (Voir WT du 26 septembre 2008, l’article de Caroline Alexander ). Vocalement irréprochable, émotive et tendre, y compris vis-à-vis de son ogre de mari, fataliste dès le départ du récit au bord de la fontaine, mal intégrée dans cette société étrange faite de rois et de demi-frères, de grottes et d’eau. La soprano a chanté le malheur en lui donnant tout son sens.

A ses côtés Frank Ferrari, enfant du pays niçois, a campé un Golaud homme fruste, triste et déprimé. Il a utilisé au maximum sa voix puissante, un peu trop belle pour le rôle, et une gestuelle brusque pour donner au chef de famille en devenir une image de brute incontrôlée et irresponsable. Le vétéran Willard White a magistralement joué le rôle d’Arkel l’ancien de la famille, un peu par hasard après la défection successive, pour des raisons personnelles, de trois autres artistes prévus pour le rôle. Le hasard a très bien fait les choses : sa voix caverneuse a contré fermement les furies de Golaud, mais elle a consolé aussi avec une grande tendresse le désarroi de Mélisande.

Elodie Méchain –Geneviève- a lu la lettre de Golaud d’une voix contrôlée, grave et une prononciation parfaite pour que le public puisse en comprendre le contenu sans lire les surtitres. Complétaient la distribution Khatouna Gadelia, en Yniold espiègle au moment de jouer, songeur en comptant les moutons, mais surtout atterré par la violence répétée et inexplicable de son père Golaud. Thomas Dear, dans le bref rôle du médecin n’a pas démérité.

L’Orchestre de l’Opéra de Nice Côte d’Azur sous les ordres d’un grand chef

L’orchestre de l’Opéra de Nice Côte d’Azur a bien été au rendez-vous, et si les caractéristiques acoustiques du théâtre absorbaient les aigus-, Philippe Auguin –un autre enfant de la ville- directeur musical de la formation depuis 2010, fin connaisseur des limites sonores de la salle et des possibilités de ses musiciens, a corrigé ce handicap par une attention constante à l’intensité des instruments. Ce faisant il a réussi par moments à créer l’ambiance onirique qui met le spectateur en état de lévitation.

Pelléas et Mélisande, drame lyrique en 5 actes et 12 tableaux de Claude Debussy d’après la pièce homonyme de Maurice Maeterlinck. Production de l’Opéra de Nice. Orchestre Philarmonique de Nice, direction Philippe Auguin, mise en scène et costumes René Koering, décors Virgin Koering, lumières Patrick Méeüs. Avec : Sébastien Guèze, Franck Ferrari, Willard White, Khatouna Gadelia, Thomas Dear, Sandrine Piau, Elodie Méchain

Opéra de Nice les 15, 17 et 19 janvier 2013

04 92 17 40 79

http://www.forumsirius.net

Photos : D. Jaussein

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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