Parsifal de Richard Wagner

La vision syncrétique de « Parsifal »

Parsifal de Richard Wagner

Le directeur de scène Amon Miyamoto a surpris son public par une mise en scène origi-nale. Il a placé l’action dans un lieu restreint : la forêt où erre Parsifal est devenue une pinacothèque, Montsalvat, le lieu où se trouve le Graal, se situe dans l’atelier de répara-tion des tableaux, et le château de Klingsor (le mage possesseur de la lance miracu-leuse), est transporté dans le poste de surveillance du musée. A partir de là Amon Miyamoto a voulu donner à l’œuvre des dimensions plus grandioses. Il a cherché à com-parer la trajectoire personnelle de Parsifal, qui évolue de l’enfant naïf à l’adulte respon-sable, à l’évolution de l’humanité tout entière, du pithécanthrope dans la jungle (avec un singe bipède sur scène), au cosmonaute dans l’espace. Ni plus, ni moins. Le célèbre film de Stanley Kubrick n’était pas loin.
Curieusement, malgré cette volonté de transformations à tout-va, la lance et le Graal sont restés une lance et un calice. Les décors, signés Boris Kudlica, simples et lisibles, ont bien marqué la volonté du metteur en scène de transposer l’action.
Amon Miyamoto a aussi rajouté deux personnages au conte : une mère et son fils visitent le mu-sée. Ils se perdent, se retrouvent, se croisent, interfèrent avec les personnages du drame, ce qui embrouille encore davantage l’histoire originelle, déjà passablement complexe dans sa version première. Dans cet univers composite Kaspar Glarner a habillé les uns et les autres de différentes manières, comme pour les situer chacun à une époque particulière : la mère et son fils sont habil-lés à la mode actuelle, Gurnemanz et ses acolytes le sont à la manière du Christ vu par les peintres du bas moyen âge, Kligsor est montré comme un méchant de bande dessinée du genre Flash Gordon, et on ne saurait pas trop dire comment Kundry et Parsifal sont habillés. Le gorille, lui, est habillé en gorille. Saluons l’imagination du couturier qui a réalisé un vêtement différent pour chaque chevalier du Graal. Une vraie performance.
Bien dirigé par Marko Letonja, l’Orchestre philarmonique de Strasbourg a fait vraiment honneur à la partition. Solennel, expressif, sonore et nuancé, notamment pendant les transitions et les mo-ments symphoniques, il a respecté les chanteurs et s’est montré un support efficace lors des inter-ventions chorales. Le chœur de la maison, renforcé par celui de l’opéra de Dijon, bien préparé par Alessandro Zuppardo, s’est montré à la hauteur en toute occasion.
Le public a applaudi sans réserve la voix de Thomas Blondelle -Parsifal-, une voix jeune, puissante et sonore, à l’émission juste et de couleur claire, qu’il a maintenue tout au long de la représenta-tion. Du point de vue dramatique il a évolué en accord avec les situations vécues par le person-nage, passant avec une grande agilité par trois phases successives : l’enfance insouciante, l’adolescence ses dangers et ses fragilités et l’âge adulte et son accomplissement. Cela a valu la peine d’attendre le troisième acte pour savourer l’art vocal d’Ante Jerkunica -Gurnemanz- basse à la voix plutôt claire, sonore sans effort visible, quoique un tantinet métallique. Markus Markandt a donné d’Amfortas une version à l’italienne, très agréable à l’oreille et qui contrastait avec les op-tions du reste de ses collègues sur scène ; tout comme celle d’Ante Jerkunica, son intervention au troisième acte a été bien plus achevée que celle du premier. Le travail dramatique de Simon Bai-ley -Klingsor- a attiré notre attention sur l’artiste au détriment de sa prestation vocale, affaiblie par des résonnances métalliques marquées. Nous passons par pertes et profits le travail vocal de Konstantin Gorny –Titurel-, en grande partie à cause des exigences dramatiques imposées par le metteur en scène lors de son unique intervention au premier acte. Christianne Stotijn a chanté Kundry. La cantatrice s’est montrée à la hauteur de sa tâche dans les tessitures graves ou moyennes, chantées en mezzo-forte. Dès que les notes montaient dans le pentagramme et qu’il fallait augmenter le volume de la voix, apparaissait un vibrato rendant l’audition fort peu agréable.

« Parsifal » Festival scénique sacré en trois actes de Richard Wagner. Livret du compositeur. Pro-duction OnR. Mise en scène d’Amon Miyamoto. Décors de Boris Kudilicka. Costumes de Kaspar Glarner. Orchestre philarmonique de Strasbourg. Choeurs de la OnR. Maîtrise de l’Opéra du Rhin. Chœur de l’Opéra de Dijon. Direction musicale Marko Letonja. Chanteurs : Markus Marquardt, Kons-tantin Gorny, Ante Jerkunica, Thomas Blondelle, Simon Bailey, Christianne Stotijn, Michaela Schnei-der, et autres.
Opéra national du Rhin

Strasbourg les 26 et 29 janvier et les 1, 4 et 7 février.
19, place Broglie – BP 80320
67008 Strasbourg Cedex
Téléphone : 0825 84 14 84/ +33 3 68 98 75 93

Mulhouse. La Filature les 21 et 23 février.
La Filature
20 allée Nathan-Katz
68090 Mulhouse cedex
Téléphone : +33(0) 3 89 36 28 28
onr@onr.fr caisse@onr.fr

Photos Klara Beck

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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