La Messe en ut mineur de Mozart à Radio France

Mozart gratias

Leonardo García Alarcón nous rappelle que la Messe en ut mineur de Mozart est l’une des plus belles choses qui soient, sur la terre comme au ciel.

Mozart gratias

IL Y A BIEN SÛR LE REQUIEM de Mozart. Mais, du même Wolfgang, il y a aussi la Grande Messe en ut mineur, celle qui porte le numéro K 427 (il existe une autre messe en ut mineur signée Mozart, dite « Waisenhaus  », K 139). Cette partition est l’une des plus inspirées qui soient nées de la plume de Mozart. Elle est pourtant inachevée, comme le Requiem, mais pour des raisons différentes. C’est la mort qui a empêché Mozart d’aller jusqu’au bout de son propre Requiem ; les raisons qui l’ont poussé à ne pas aller au-delà du Benedictus de sa Messe K 427 sont plus mystérieuses : la guérison de sa fiancée puis femme Constance, pour laquelle il avait entrepris sa partition, est peut-être l’une de ces raisons.

Telle quelle, cette œuvre de dimensions imposantes, même s’il lui manque les derniers mouvements, est écrite pour deux voix de soprano, ce qui est rare, ténor, basse, chœur et orchestre. Mozart, comme le dit Leonardo García Alarcón, y embrasse Bach et Mozart. Les deux sopranos rivalisent de virtuosité à la faveur d’airs souvent exaltés, qui expriment tantôt l’euphorie, tantôt la confiance, dans une ambiance proche de l’opéra. Qui dit théâtre dit aussi contraste : la Messe en ut mineur est riche de grandes pages chorales qui alternent avec les interventions des solistes et culminent dans le prodigieux « Qui tollis » où gémit toute la douleur du monde sur un ostinato où vient s’échouer la cohorte de l’humanité.

L’incarnation merveilleuse

À Radio France, Marie Lys et Deepa Johnny se partagent les parties de soprano. La première (qui fut Zerlina dans Don Giovanni à Lille en octobre dernier) n’est que lumière dans l’« Et incarnatus est », air mi-angélique, mi-pastoral, qui fait de l’évocation de la crèche un moment d’enchantement. La flûte de Mathilde Calderini, le basson de Jean-François Duquesnoy, le hautbois d’Olivier Doise y font eux aussi merveille. Voix plus corsée, Deepa Johnny se tient à la limite du mezzo mais apporte sa part de lumière à cette musique rayonnante. Mark Milhofer et Edward Grint de déméritent pas, notamment dans le Benedictus final, mais ce n’est pas au ténor et à la basse que Mozart a réservé les pages les plus stupéfiantes de sa messe.

Le Chœur de Radio France, en très grande forme, aborde avec un sens poussé des nuances les pages tantôt dramatiques, tantôt jubilantes que Mozart lui a confiées. Il chante assis ou debout selon qu’il accompagne les voix solistes ou qu’il s’empare de la parole (au milieu de changements d’éclairage dans la salle qui, eux, ne sont pas des plus heureux – ont-ils été voulus par le chef ?). Et comme nous sommes aussi au théâtre, l’organiste quitte à plusieurs reprises son positif pour déclencher la puissance de l’orgue de l’auditorium dans les moments d’intensité, notamment le « Qui tollis ».

Inutile de dire que Leonardo García Alarcón, qui a dédié ce concert à la mémoire du hautboïste Maurice Bourgue, mort le 6 octobre dernier, est parfaitement à son affaire à la tête d’un Orchestre philharmonique de Radio France qu’il connaît fort bien et dont il sait la capacité à glisser d’un répertoire à un autre. Malgré une disposition étonnante des instrumentistes (les violons I et II sont côte à côte, à la gauche du chef), il obtient des musiciens un relief, une précision, un élan qui n’étonnent pas (ah, les cordes sans vibrato, les petites timbales, les cors naturels !). À la fin, Alarcón fait reprendre le Kyrie de la Messe en ut mineur par Marie Lys, le chœur et l’orchestre, parce que, dit-il, « l’écouter une seule fois, ce n’est pas suffisant ». On aimerait lui répondre que cette remarque vaut pour la messe tout entière.

Illustration : une image idyllique de Constance et Wolfgang (dr)

Mozart : Grande Messe en ut mineur. Marie Lys, soprano ; Deepa Johnny, soprano ; Mark Milhofer, ténor ; Edward Grint, basse ; Chœur (préparé par Valérie Fayet) et Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Leonardo García Alarcón. Auditorium de Radio France, 9 décembre 2023.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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