Marche salope de Céline Chariot

Reconstitution de l’innommable

Marche salope de Céline Chariot

Elle est seule en scène. Assise sur une chaise d’un lieu où on attend. Elle est prisonnière de ce qui l’a souillée. Peu à peu, elle reconstituera devant le public témoin ce qui s’est passé. Mais c’est tellement difficile à exprimer que c’est une voix off qui s’emparera de sa parole.

Les voix qui parleront n’appartiennent pas à celle qui a décidé d’enfin parler, d’aller au-delà de son amnésie post-traumatique. Ce seule en scène sera d’abord gestuel. Celle qui a écrit, celle qui va jouer ne dira pas un mot. Elle agira. Elle va reconstituer la scène du crime. C’est comme une enquête à l’envers. Objet après objet, après avoir délimité l’espace, Céline Chariot procède comme les « Experts » de la célèbre série policière étasunienne télévisée, sauf que c’est indice après indice que se lit le viol. Il se met en place sous nos yeux de spectateurs avec une minutie toute scientifique, chacun des éléments étant ensuite affublé des chiffres inventaires qui accompagneront les photos prises par les enquêteurs.

Cela tient de la performance mais c’est éminemment théâtral. Rien n’est omis. Cela se construit à la façon d’une installation esthétique. C’est aussi nourri de symboles. Cela s’amorce avec le démontage des barreaux de la chaise en début de représentation, comme s’ils étaient ceux d’une cellule de prison, jusqu’à sa demi-reconstruction de la fin. C’est contenu aussi dans des allusions à « L’aigle noir » de Barbara et dans « C’est normal » d’Areski et Fontaine dont le leitmotiv est intégré à la parole. C’est encore flagrant (et fracassant) avec les huîtres écrasées sur le plateau, elles qui sont considérées en tant qu’analogies avec le repli sur soi, la peur du monde extérieur mais peuvent parfois recéler une perle.

L’option de la mise en scène permet d’entrevoir autrement le délit sexuel. Il est scénarisé. Il prend sens par bribes. Il en est d’autant plus convainquant. Il dépasse les seules émotions spontanées aussi vite éteintes que ressenties. Il amène à revoir le point de vue poncif (induit par le titre) de la culpabilité potentielle de celle qui est censée être la provocatrice face à un prédateur qui n’attend que ça.

Durée : 45’
06> 27 juillet 2023 Théâtre des Doms 18h

Tournée
21 au 25.05.24 : Théâtre des Martyrs (Bruxelles)
11 au 13.03.24 : Maison de la Culture de Tournai

Écriture, interprétation : Celine Chariot
Mise en scène : Céline Chariot, Jean-Baptiste Szezot
Voix : Anne-Marie Loop, Julie Remacle, Anja Tillberg
Création sonore : Maxime Glaude
Création Lumière : Pierre Clément, Thibaut Beckers
Flûte : Line Daenen
Artiste plasticienne : Charlotte De Naeyer
Accessoires, costume : Marie-Hélène Balau
Production : Festival de Liège (Be)
Soutien : Collectif Co-legia de Prométhéa, de la Fédération Wallonie Bruxelles, de la Province de Liège, de Shanti Shanti asbl, Théâtre national Wallonie-Bruxelles, Théâtre des Doms.
Remerciement : Planning familial le « 37 », Sébastien Foucault, Bérengère Deroux, Laurence Dieudonné
Prix Maeterlinck 2022 de la meilleure scénographie
Prix Co-Légia 2022
Photo©Alice Piemme

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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