Le mystère Ophélia de et avec Céline Devalan
Un portrait poétique et réussi de Lizzie Siddal
Le tableau de Millais représentant le personnage d’Ophélia dans Hamlet est une œuvre mondialement connue mais que savons-nous de la jeune fille qui servit de modèle au peintre ? La pièce de Céline Devalan nous propose de découvrir le destin tragique de Lizzie Siddal qui fut le modèle de plusieurs peintes préraphaélites au milieu du XIXème siècle en Angleterre.
En 1849, Lizzie Siddal, une jeune modiste, est remarquée par le peintre Walter Deverell qui la choisit pour un de ses personnages dans une scène de La Nuit des rois. C’est la première peinture pour laquelle Lizzie Siddal pose. Par l’intermédiaire de Walter Deverell , elle rencontre Dante Gabriel Rossetti. Entre la jeune femme et le peintre une histoire d’amour complexe naît.
Dante Rossetti tombe sous le charme de la jeune femme qui devient sa muse. Lizzie écrit à sa sœur combien elle apprécie de se prêter à ce rôle de modèle. Lorsque le peintre britannique préraphaélite John Everett Millais lui propose de donner ses traits au personnage d’Ophelia pour sa prochaine toile , elle se sent flattée et accepte avec enthousiasme malgré les mises en garde de Dante sur les conditions de pose imposées par le sujet de la toile. Lizzie doit rester de longues heures flottant dans une baignoire afin de représenter Ophélia se noyant. Un jour d’hiver, les bougies utilisées pour chauffer l’eau s’éteignent et elle reste de longues heures dans l’eau glacée. Elle tombe malade et le médecin lui prescrit du laudanum dont elle ne parviendra pas à se libérer ensuite.
Lizzie Siddal est une femme étonnante en ce milieu du XIXème siècle. Elle est peintre grâce à Dante qui lui enseigna la peinture et ses œuvres sont retenues par le critique John Ruskin qui lui alloue une pension pour qu’elle poursuive son travail. Elle est la seule femme à exposer lors de l’exposition préraphaélite de 1857 à Russel Square. Elle est aussi poétesse et ses textes seront édités à titre posthume.
La pièce de Céline Devalan retrace avec précision et clarté le parcours exceptionnel de cette jeune femme morte à 32 ans. Elle met aussi en valeur les relations complexes au sein du couple qu’elle formait avec Dante Rossetti. Elle aspirait au mariage, à une vie respectable, il ne pensait qu’à l’art. « Nous sommes des artistes, nous ne pouvons pas avoir des vies ordinaires » ! Céline Devalan qui interprète le rôle de Lizzie exprime avec subtilité les fêlures, les doutes qui progressivement la fragilisent. La pièce explore aussi de manière très pertinente le regard du peintre Dante sur Lizzie. Qui de la femme ou de la muse est le sujet de sa passion ? Les deux artistes sont parfaits dans leur rôle. Céline Devalan est une Lizzie Siddal flamboyante toute en finesse pour restituer les espoirs et les déceptions de cette jeune femme . Romain Arnaud Kneisky parvient à rendre par son jeu subtil toute la fougue et le caractère fuyant du peintre.
La mise en scène utilise avec beaucoup de justesse les jeux de lumières et la projection, sur un rideau de fils, de toiles préraphaéliques ou de vidéos qui apportent au récit une profondeur poétique et artistique intéressante. Les extraits filmés d’Hamlet mettant en parallèle les destins de Lizzie et d’Ophélia sont judicieux dans la composition du personnage de Lizzie.
Le mystère Ophélia s’appuie sur un travail documenté sérieux et permet de découvrir avec élégance et poésie l’histoire de Lizzie Siddal qui n’est plus seulement le visage d’Ophélia mais une femme artiste qui joua un rôle important dans le mouvement préraphaélite anglais du XIXème siècle.
Le mystère Ophélia de Céline Devalan
Avec Céline Devalan et Romain Arnaud Kneisky
Collaboration artistique : Caroline Darnay
Création lumière et vidéo : Antoine Le Gallo
Musique : Daniel Pemberton
© Céline Sereyn
Festival Off Avignon du 5 au 26 juillet 25
Théâtre des Corps saints, 76 Place des Corps saints, 84000 Avignon
10H04 – durée 1H20
Relâche le 22 juillet


