Festival Off Avignon
Le complexe de Dieu de Puiraveaud
Œuvre limpide pour vies en eaux troubles
Pièce à thèse conçue à partir d’un témoignage réel, « Le complexe de Dieu » met en scène plusieurs débats à propos de comportements déviants par rapport aux engagements moraux pris par des membres du clergé catholique en s’engageant dans la prêtrise.
La construction de la pièce est limpide. Elle passe en revue différents écarts qui, à des degrés divers, touchent les membres d’une famille élevés dans la foi, la religion et donc censés respecter les principes dans lesquels ils ont été endoctrinés. La structure dramatique progresse par étapes usant du flash back pour éclairer le présent au moyen du passé.
Elle met en présence parents, enfants, ami(e), éducateurs, pasteurs, juges mais aussi metteur en scène et comédiens car l’auteur a eu la bonne idée de confronter une réalité vécue et une vérité littéraire en incluant dans son fait divers initial, par le biais d’une troupe d’acteurs en répétitions, la figure du Tartuffe de Molière, homme d’Eglise dévoilant son désir pour Elmire, épouse de l’homme chez qui il est hébergé.
Le contenu de la pièce que signe Puiraveaud rassemble peu à peu, comme des éléments dispersés de puzzle, les moments et les comportements susceptibles de susciter controverses. Au sommet, il y a bien entendu les principes moraux à respecter er de quelles manières ils ne le sont pas.
De là découle la genèse et l’établissement du déni. Ou plutôt des dénis. Celui de la famille qui ferme les yeux. Celui des victimes préférant se taire que dévoiler. Celui aussi sans doute, alentour, de ceux qui ne sont pas prêts à entendre. Celui surtout des prédateurs prompts à justifier leur conduite ou à stigmatiser la docilité de leurs proies.
Précisément, un autre volet de débat est le discours manipulateur des abuseurs. Ils connaissent les paroles qui enjôlent, qui donnent des impressions de liberté, qui flattent le besoin d’échanges sentimentaux, qui connaissent l’attrait du plaisir, qui stimulent la vanité d’être élu(e), qui misent sur la fascination d’une complicité en secret, qui donnent aux principes inculqués des significations biaisées aidant à les détourner… Et surtout à quel point ces individus profitent de leur statut officiel de gardiens d’une idéologie.
Tout cela qui appartiendrait au domaine de la dissertation passe avec facilité à travers les répliques puisque le théâtre est avant tout action même si sa vocation est, comme ici, didactique en priorité. L’intrusion du Tartuffe y ajoute des dimensions liées au monde du théâtre. Elle démontre qu’un comédien peut avoir des difficultés à endosser un rôle, que la psychologie de l’interprète est susceptible de lui compliquer la tâche, qu’il n’est pas aisé de reproduire sur une scène des gestes spontanés du quotidien en les rendant crédibles alors qu’ils sont devenus artificiels devant un public.
La pièce reste très conventionnelle. Sans doute est-ce important pour que son message passe la rampe. La « Cie 172 » s’en tire bien. Entre autres, lorsque qu’il s’agit de jouer plusieurs personnages, les signes vestimentaires qui marquent les changements de rôle sont compréhensibles au premier degré et le rythme de la mise en scène n’en est pas affecté.
Durée : 1h15
Dès 14 ans
Festival Off d’Avignon : du 3 au 21 juillet 2024 à 17h50 à l’Espace Roseau Teinturiers 17h50
Texte :Antony Puiraveaud
Avec ; Théo Dusoulié ou Olivier Troyon, Lucille Bobet ou Laure Duédal, Anne-Cécie Crapie ou Béatrice Vincent, Jean-Marc Coudert ou Jean-Luc Voyeux
Mise en scène : Jean-Luc Voyeux
Soutien : Spedidam
Relations presse : Julien Wagner
Diffusion : Bouledogue Production
Lire : Antony Puiraveaud, Le complexe de Dieu, Vernon, La Cie 172, 2024, 76p.
Compléter : Olivier Ka, Alfred, Pourquoi j’ai tué Pierre, Paris, Delcourt, 2006, 111p.
Jean-Marc Turine, Révérends Pères, Noville-sur-Méhaigne, Esperluète, 2022, 128 p.