Le moine noir d’après Anton Tchekhov
Une adaptation impressionnante
La nouvelle fantastique Le moine noir publiée dans la revue l’Artiste en 1894 aborde le sujet de la folie évoquée par Tchekhov dans plusieurs nouvelles. Dans le texte original, Kovrine, un intellectuel victime de surmenage part se reposer chez son ancien tuteur Pessotzki et sa fille Tania. Les retrouvailles sont joyeuses et peu à peu Krovine et Tania se rapprochent pour le plus grand plaisir de Pessotski qui voit dans ce mariage le moyen de sauvegarder son magnifique jardin après sa mort. Tout serait parfait si Kovrine n’était pas victime d’hallucinations. Un moine noir, personnage légendaire vieux de mille ans, lui apparaît et s’empare progressivement de sa raison. Krovine sombre dans la folie.
Sur la grande scène du Palais des papes, trois structures en bois représentent la maison ou les serres du pépiniériste Pessotski. Un arbre stylisé pour les vergers, et un grand disque sur lequel sont projetées les images filmées au téléphone portable depuis l’intérieur des abris. L’ensemble est sobre mais c’est sans compter sur l’imagination du cinéaste et metteur en scène Kirill Serebrennikov ! Très vite le décor évolue, les maisons sont déplacées, le disque se multiplie et des projections vidéo sur le mur du fond de scène envahissent l’espace et multiplient les points de vue. La scénographie, pensée pour la Cour d’honneur, est en parfaite adéquation avec le caractère imposant du lieu et donne toute sa puissance à la folie de Kovrine.
Cette adaptation théâtrale, jouée en allemand, anglais et russe, est composée de quatre parties correspondant aux points de vue du père, de Tania, de Kovrine et du moine noir qui reprennent les éléments essentiels de l’intrigue comme des leitmotivs qui conduisent vers la destruction de Kovrine interprété par trois excellents comédiens, Filipp Avdeev, Odin Biron et Mirco Kreibich qui donnent progressivement toute la démesure de leur personnage. Le rôle de Tania est joué par deux comédiennes : Viktoria Miroshnichenko dynamique et sensible traduit parfaitement le jeu amoureux naïf, la colère ou la tristesse devant la maladie de son époux Kovrine et Gabiela Maria Schmeide est une Tania plus âgée qui fait le récit de son histoire avec calme et lucidité. Les danseurs qui endossent le rôle de plusieurs moines noirs sont impressionnants, en particulier dans cette danse qui rappelle les derviches tourneurs et nous emporte dans le tourbillon de la démence de Kovrine. La musique et les chants soutiennent le caractère mystique que prend peu à peu l’histoire.
Cette mise en scène dont l’intensité dramatique va crescendo, s’impose par sa qualité esthétique et sa distribution internationale de grande qualité.
Le moine noir, d’après Anton Tchekhov. Adaptation et mise en scène Kirill Serebrennikov. Avec Filipp Avdeev, Odin Biron, Bernd Grawert, Mirco Kreibich, Viktoria Miroschnichenko, Olga Pavliuk, Gabriela Maria Schmeide, Gurgen Tsaturyan
Et les chanteurs Genadijus Bergorulko (baryton), Pavel Gogadze (ténor) , Friedo Henken (baryton), Sergey Pisarev (ténor), Azamat Tsaliti (baryton), Alexander Tremmel (ténor), Vitalijs Stankevich (baryton)
Et les danseurs Tillmann Becker, Arseniy Gordeev, Andrey Ostapenko, Laran, Ilia Manylov, Andreï Petrushenkov, Ivan Sachkov, Daniel Vliek
Scénographie Kirill Serebrennikov assisté de Olga Pavliuk
Collaboration à la mise en scène et chorégraphie Ivan Estegneev, Evgeny Kulagin
Musique Jēkabs Nīmanis
Direction musicale Uschi Krosch
Arrangements musicaux Andrei Poliakov
Dramaturgie Joachim Lux
Lumière Sergey Kuchar
Vidéo Alan Mandelshtam
Costumes Tatiana Dolmatovskaya
Assistanat à la mise en scène Anna Shalashova
Traduction en allemand Yvonne Griesel
Traduction en français pour le surtitrage Daniel Loayza, Macha Zonina
Traduction en anglais pour le surtitrage Lucy Jones
Durée : 2h40
Festival d’Avignon – Cour d’honneur du Palais des papes du 7 au 15 juillet
Théâtre de la ville du 16 au 19 mars
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage