Le Duel d’après Tchekhov

Une querelle pour ne plus s’ennuyer

Le Duel d'après Tchekhov

Ce n’est pas tout à fait une pièce de Tchekhov, ni tout à fait une pièce de Jean-Claude Grumberg. Mais Grumberg, qui a adapté là une longue nouvelle de l’auteur russe, a cherché à rester au plus près de l’univers de son illustre prédécesseur, s’est fondu dans ce désespoir traversé de rires vite interrompus. Le duel annoncé dans le titre se met lentement en place dans cette œuvre dramatique où rien ne se précipite : dans une ville du Caucase, un jeune homme, qui veut prendre ses distances avec la femme qu’il a séduite, déchaîne la colère d’un savant, pour qui tout est rigueur et lignes droites. Seul, leur ami docteur comprend les errements de celui qu’on traite de débauché. N’empêche que l’affrontement par duel est décidé et que les deux adversaires se retrouvent un petit matin une arme à la main. Il n’y aura pas de mort mais, au contraire, deux hommes qui finissent par se comprendre. Peut-être se querelle-t-on entre mâles pour ne pas s’ennuyer.
Lisa Wurmser, qui met en scène Le Duel, a le sens de ces climats romanesques (elle a monté naguère un remarquable Maître et Marguerite d’après Boulgakov). Face à Tchekhov-Grumberg, elle choisi le parti pris d’un théâtre presque pictural, comme si l’on était dans un tableau de Chagall ou du Douanier Rousseau. Une petite maison de toile rayée évoque tout un village. Et les personnages tournent autour avec leur mal-être et leur fantaisie. La distribution est particulièrement brillante. Incarnant le docteur compréhensif, Eric Prat, qu’on a plutôt vu ailleurs dans des rôles franchement comiques, atteint une puissance d’émotion tout à fait étonnante. Frédéric Pellegeay, qui interprète le savant obtus, suit un parcours d’une belle complexité. En jeune séducteur ennuyé, Stéphane Szestak est tout à fait tchékhovien. Klara Cibulova a une séduisante étrangeté. Maryse Poulhe met en œuvre un grain de folie réjouissant. Pierre Ficheux et François Couder se démultiplient avec brio. Le mélange de langueur et de rapidité, concocté par Lisa Wurmser, va trouver sa pleine vérité au fil des représentations. Cet enfant théâtral fait à Tchekhov est une heureuse création.

Le Duel d’après Anton Tchekhov, adaptation de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Lisa Wurmser. Texte à L’Avant-Scène Théâtre.
Scénographie Erwan Creff
 Musique Eric Slabiak Costumes Marie Pawlotsky
 Création lumière et direction technique Philippe Sazerat Chorégraphie Gilles Nicolas
 Cabinet de curiosités Olivier de Logivière
 Assistant François Couder
Avec Stéphane Szestak, Frederic Pellegeay, Klara Cibulova, Pierre Ficheux, Maryse Poulhe, Eric Prat, François Couder.

Festival d’Avignon Off : Le Petit Louvre, 21 h 45, tél. : 04 32 76 02 79. (Durée : 1 h 30).

Photo 
 Laurencine Lot.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook