Le Dragon d’Evgueni Schwartz

Mort au tyran 1. Vive le Tyran 2.

Le Dragon d'Evgueni Schwartz

La fable de Schwartz est limpide. Sur le schéma narratif du conte populaire traditionnel, elle démontre que se libérer d’une tyrannie ne débouche pas nécessairement sur l’établissement d’une démocratie. Au contraire, les tenants du pouvoir risquent de s’approprier la libération pour mettre en place une tyrannie plus impitoyable.

Jolly s’est emparé de cette histoire écrite à la fin de la 2e guerre mondiale pour en donner une lecture d’autant plus éclatante que les récents événements géopolitiques de l’absurde guerre en Ukraine prolongeant celle en Syrie démontrent qu’une dictature est capable du pire. Sans compter les avancées des extrémismes d’extrême droite dans une part de nos démocraties.

Le metteur en scène orchestre cette guignolade tragique avec un humour grinçant et dévastateur. Grâce à lui, le plaisir du théâtre est complet. Tout fait signe. Le décor monumental restitue un univers glauque où s’enlise la vie normale au profit d’une soumission passive et résignée. Il recèle des possibilités scéniques d’effets spectaculaires dignes d’un opéra.

Le travail avec les comédiens se traduit par un jeu corporel qui porte la caricature à devenir de la chorégraphie. Chaque personnage possède une dégaine typique de ce qu’il est ou de ce qu’il désire paraître. Cet apport de la présence physique des interprètes accentue les actions, suscite des gags savoureux, permet de transmettre des indications visuelles qui ridiculisant les comportements, accentuent leur absurdité sans atténuer leur aberration.

Rien n’est laissé au vide. Les accessoires, les costumes, les éclairages concourent à rendre plaisant le spectacle, à souligner la soif de pouvoir des uns, la passivité des autres tout en démontrant que la lutte contre le repli sur soi, la vénalité des ambitions, la mesquinerie de la pensée restent des combats permanents. L’impeccable diction des acteurs donne au surplus une clarté plus efficace au discours de l’auteur.

Le plaisir du théâtre est par conséquent total. Non seulement ce qui se passe sur le plateau est captivant par sa richesse mais aussi la portée politique de la fable reste une évidence qu’un appel aux émotions spontanées aurait risqué d’affadir. Jolly a réussi une représentation qui vaut largement tous les débats politiques que les médias nous proposent.

Durée : 2h30
Du 27 au 30 avril 2022 Théâtre du Nord (Lille – Tourcoing)

Comparer : version de Christophe Rauck : https://webtheatre.fr/Le-Dragon-394
version de Stéphane Douret : https://webtheatre.fr/Le-Dragon-d-Evgeni-Schwarz-3470

Avec Damien Avice, Bruno Bayeux, Moustafa Benaibout, Clémence Boissé, Gilles Chabrier, Pierre Delmotte, Hiba El Aflahi, Damien Gabriac , Katja Kruger, Pier Lamandé, Damien Marquet, Théo Salemkour, Clémence Solignac, Ophélie Trichard , un enfant (en alternance Fernand Texier, Mathis Lebreton ou Adem Nefla)

Traduction : Benno Besson
Collaboration artistique : Katja Kruger
Scénographie : Bruno de Lavenère
Lumières : Antoine Travert
Musique, création son : Clément : Mirguet
Costumes : Sylvette Dequest
Accessoires : Marc Barotte, Marion Pellarini
Consultante langue russe : Anna Ivantchik

Régie générale :Jérôme Marpeau
Régie lumière : Antoine Travert, Doriane Genet (en alternance)
Régie son : Charlotte Nivert, Marion Laroche (en alternance)
Régie plateau : Pascal Da Rosa
Régie accessoires : Judith Lanjouere
Maquilleuse : Catherine Nicolas et Elodie Mansuy (en alternance)
Régie costumes : Fabienne Rivier
Réalisation décors : Ateliers du Théâtre royal des Galeries (Bruxelles)
Participation à la construction : Atelier de décors de la ville d’Angers

Production : Le Quai (Angers) Pays de la Loire
Coproduction : Théâtre national (Strasbourg), TNP Villeurbanne ; Théâtre du Nord (Lille Tourcoing) ; La Villette (Paris) ; Comédie (Reims) ;
Participation artistique : Jeune théâtre national

Photo © Nicolas Joubard

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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