Lakmé de Léo Delibes
Ou l’art de faire du neuf avec du vieux
- Publié par
- 26 novembre 2013
- Critiques
- Opéra & Classique
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Paul-Emile Fourny a parfaitement réussi la mise en scène de Lakmé (Opéra-Comique 1883), opéra de tous les dangers, alliant la tradition théâtrale et la simplicité dont il a le secret ; au demeurant il a su donner une vision crédible de l’époque et du lieu de l’action. Certes on peut taxer aujourd’hui la pièce, phare du répertoire du XIXème siècle, de passéisme et de mièvrerie, de manque d’originalité aussi peut-être : ne semble-t-elle pas par moments s’inspirer de celles de Georges Bizet ou de Charles Gounod ?
Paul-Émile Fourny a totalement supprimé les dialogues parlés. L’impact de cette décision a été immédiat : l’action s’est resserrée, le rythme a gagné en vitesse et en dynamisme dans l’enchaînement des nombreux airs de la pièce. Le public s’est alors retrouvé transporté tour à tour d’ambiances plaisantes en scènes violentes sans le moindre moment de repos. Finalement, par une subtile utilisation du dialogue, le directeur de scène a finement souligné les références au monde actuel et notamment la différence de religion et de valeurs en général entre les uns et les autres. Voici des propos qui semblent d’une grande actualité dans l’entrecroisement massif et parfois violent des cultures un peu partout sur notre planète.
Une mise en scène sans connotation folklorique.
Benoît Dugardyn a proposé une scénographie totalement dépourvue de connotation folklorique –c’est Paul-Émile Fourny qui le dit lui-même-. En effet le scénographe a situé l’action dans l’espace et le temps sans références criardes et outrancières, (cf. la représentation de l’Espagne vue à travers le folklore andalou !). Pourtant certaines scènes s’y prêtaient particulièrement bien telle celle du marché. Il n’est pas tombé non plus dans le piège d’une modernisation artificielle de la pièce. Il a donc échappé à une double tentation : le kitch indien et la transposition vaine. Les décors –des panneaux mobiles en bois, faits de dessins géométriques d’une grande élégance, rappelant les moucharabiehs de l’architecture arabe- appuyés par les costumes signés Giovanna Fiorentini, ont suffi à transporter le spectateur dans un orient encore sous la colonisation anglaise.
Une approche romantique française de l’orchestre et du chœur.
Le cadre visuel étant fixé, l’orchestre national de Lorraine, sous la direction de Jacques Mercier –fin connaisseur des possibilités acoustiques limitées de la salle- s’est évertué à rendre à César ce qui appartient à César par une lecture dans la plus pure tradition romantique française. En cela il a été efficacement appuyé par le chœur, bien préparé par Nathalie Marmeuse. Le chœur et l’orchestre, intimement associés ont créé l’atmosphère musicale qui a porté le substrat de l’histoire vers les manières de l’hexagone, en principe totalement éloignées d’elle.
Points forts et moins forts de la distribution.
Lakmé est un opéra écrit pour mettre en valeur surtout une voix de soprano expressive, légère et agile. La cantatrice canadienne Mélanie Boisvert –Lakmé- possède sans aucun doute ces qualités et son travail a donc été apprécié à sa juste valeur par le public. Elle a tout à fait rempli son contrat lors des nombreux airs de la pièce ; avec Carine Séchaye –une Mallika sensible et juste- elle a réussi le célèbre duo du premier acte et bien qu’elle ait quelque peu forcé certaines notes dans l’air des clochettes le public ne lui en a pas voulu. A ses côtés Nicolas Cavallier a campé un excellent Nilakantha –le père intransigeant- par sa prestance et son sens des planches, son émission virile –un peu fatiguée par moments- et sa violence envers l’étranger. La voix blanche, l’expressivité, la parfaite diction française du ténor allemand Mirko Roschkowski au service du personnage de Gérald, le militaire anglais amoureux de la petite indienne, aura été une des surprises agréables de la soirée. Le baryton Jean-Luc Ballestra –Frédéric- a, lui aussi, laissé une forte impression malgré la brièveté de son rôle. Saluons la finesse et l’humour aussi des trois anglaises -Charlotte Dellion (Ellen), Laure André (Mistress Bentson) et Pauline Claes (Rose).
Lakmé de Léo Delibes. Orchestre national de Lorraine. Chœur et Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Direction musicale Jacques Mercier. Mise en scène Paul-Emile Fourny, décors Benoît Dugerdyn, Costumes Giovanna Fiorentini, Lumières ätrice Willaume. Avec Mélanie Boisvert, Nicola Cavallier, Mirko Roschkowski, Carine Séyache, Antoine Chenuet Charlotte Dellion, Jean-Luc Ballestra, Laure André, Pauline Claes, et autres.
Coproduction de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole et le Theater Bonn.
Opéra-Théâtre de Metz Métropole 22, 24 et 26 novembre 2013.
http :opera.metzmetropole.fr
Réservations : 00 33 (0)3 87 15 60 60
billethea@metzmetropole.fr