Anne Rodier et François-Michel Rignol à Lamalou-les-Bains le 14 août
La voix, le piano, la nuit
La soprano Anne Rodier et son complice François-Michel Rignol nous font traverser une belle tombée de la nuit française veillée par un lied on ne peut plus rêveur.
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- 19 août
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ANNE RODIER A DÉJÀ EFFECTUÉ UNE BELLE CARRIÈRE : élève du Conservatoire de Montpellier puis du Conservatoire de Paris où elle a étudié le chant avec Michèle Command, Eva Saurova, Yves Sotin et Mady Mesplé, mais aussi le théâtre avec Joëlle Vautier, elle a remporté le Grand Prix de mélodie française Mady Mesplé en 1999 à Clermont-Ferrand. Attachée au grand répertoire (Orphée de Gluck, Nedda de Pagliacci, Didon de Purcell, Inès du Trouvère…) et à la création (elle a incarné le personnage d’Hector à l’occasion de la première production scénique de l’opéra Les Orages désirés de Gérard Condé), c’est aussi une chercheuse infatigable qui imagine des programmes inattendus : ainsi a-t-elle remis l’honneur des compositeurs oubliés tels que Marc Delmas, Henry Rabaud, André Gailhard, Aimé Kunc ou Charles Levadé, il y a quelques années, à la faveur d’un concert au Théâtre des Franciscains de Béziers qui se proposait de ressusciter les grandes heures des arènes ayant valu à cette ville, au début du XXe siècle, d’être surnommée « la Bayreuth française ».
Anne Rodier vit et travaille aujourd’hui à Taïwan, où elle enseigne tout en donnant des concerts dans plusieurs parties du sud-est asiatique. Mais elle revient régulièrement sous nos latitudes, et c’est avec joie que nous avons assisté au récital qu’elle a eu la bonne idée de donner à l’église Saint-Pierre-de-Rhèdes de Lamalou-les-Bains, charmant édifice de campagne dont les pierres et les modestes dimensions servent fort bien la voix.
Le théâtre caché sous les voûtes
Donné dans le cadre des six Moments musicaux organisés à Saint-Pierre-de-Rhèdes pendant l’été 2025, ce récital baptisé « Les tombées de la nuit » chantait, très logiquement, la nuit et ses prestiges. Anne Rodier nous rappelle son attachement à la musique de Déodat de Séverac (« Chanson de la nuit durable ») qu’elle partage avec le pianiste François-Michel Rignol, qui fait ici bien plus que l’accompagner*. On goûte son timbre de soprano fruité lié à une projection généreuse qui nous dit combien Anne Rodier est aussi une artiste de théâtre. Elle est tout aussi à l’aise chez Fauré (« Clair de lune »), Gounod (« Le Soir ») ou Debussy (« Nuit d’étoiles »), nous donne un autre aperçu de ses qualités dramatiques dans « Hôtel » de Poulenc, et effectue une brève escapade en compagnie de Richard Strauss (« Die Nacht »), histoire de nous rappeler que tout lied est d’abord un chant de la nuit. À la fin, un arrangement singulier d’« Heure exquise » de La Veuve joyeuse répond à « L’Heure exquise » de Reynaldo Hahn, qui ouvrait le programme.
François-Michel Rignol forme un duo complice, on l’a dit, avec Anne Rodier. Il nous offre également quelques œuvres pour piano seul dont une page de son bien-aimé Déodat, et réussit à nous persuader que Fauré, compositeur réputé distant, est un authentique musicien lyrique dans son Sixième Nocturne, joué avec une virtuosité sans complaisance.
* Ils ont consacré un enregistrement aux mélodies de Déodat de Séverac (1 CD FY Solstice).
Illustrations : Anne Rodier et François-Michel Rignol (photos dr)
Mélodies, lieder et airs de Hahn, Fauré, Gounod, Debussy, Déodat de Séverac, R. Strauss, Offenbach, Lehár. Anne Rodier, soprano ; François-Michel Rignol, piano. Église Saint-Pierre-de-Rhèdes, Lamalou-les-Bains, 14 août 2025.



