La ville des zizis d’E. Schumacher
Les potes rient là où les potes iront

Une bande de copains saisis dans des moments de leurs relations entre eux, avec les autres et avec leur imaginaire. Portrait collectif gaiment croqué à travers et au-delà des stéréotypes.
Comment sont donc les hommes, les bonshommes quand ils sont entre eux, de l’enfance à l’âge mûr ? Que pensent-ils (s’ils pensent) ? À quoi rêvent-ils (car ils rêvent) ? Jusqu’où sont-ils imbus, ces machos abhorrés ? Quand sont-ils adorables, ces amoureux fantasmés ?
Dans une succession de tableaux plutôt brefs, des comédiens font la bande, la bande aux poteaux, aux frangins et la bande se lâche, tente de retrouver des spontanéités de gosse et d’ado. Finalement s’étale sous les yeux du public en des moments de défoulement où le corps et les mots traduisent le fin fond de l’être avec ses qualités comme ses défauts.
Les hommes entre eux, c’est d’abord une complicité. C’est se préoccuper de sexe, de sorties arrosées, de plaisanteries qui ne craignent pas de voler bas, du reflux périodique d’un machisme pourtant combattu durant le quotidien, l’escalade des défis et paris si stupides soient-ils, la provocation gratuite et une bonne dose de forfanterie avec une pointe de cynisme. C’est rouler des mécaniques et avoir la caresse tendre. C’est camaraderie et solidarité. C’est tendresse et fragilité.
Dès la scène initiale du rendez-vous pour un enterrement, le ton est donné. Les relations sont dessinées dans leur variété, du meneur au souffre-douleur, du caustique au timoré, du fanfaron au fier-à-bras. C’est drôle évidemment, car tout le monde y reconnaît quelqu’un, y compris soi-même.
La suite est à la hauteur du projet. Rien ne sera similaire. Le rythme s’accélère. Il faut parfois s’accrocher car les allusions, les emprunts culturels sont légion. Leur saveur est décuplée si on parvient à les décoder ; elle demeure, allégée, si on n’a pas une complicité de mémoire. Ça va vite de toute façon.
Car soudain, nos enterreurs d’un jour, en costume sombre et strict, se transforment en galopins déguisés qui envahissent le terrain de jeu avec les personnages des westerns, ceux des films de guerre ou d’action. Ça galope. On se déguise. On passe d’un univers à un autre, du sport au comptoir de bar, de la discothèque à la plage. Du dialogue de sourds aux fanfaronnades de potaches. De la confidence sérieuse et émouvante à la blague stupide qui fait s’esclaffer tout le monde alors même que chacun trouve cela nul. Des concours de longueur de zizi à des questionnements sur l’amour, de la crânerie et de la peur soudaine de rater le coup ou le coche.
Le sextet joue de tous ses instruments, corps et voix, car les acteurs bougent, murmurent ou gueulent, susurrent ou chantent, s’embrassent ou se tapent dessus. Tandis que, par moments, le réel intervient par la voix véritable du papa d’Eline Schumacher qui discute avec sa fille par radio interposée. L’émotion est souvent perceptible. Mais la distance de l’humour casse le sentimentalisme facile ; c’est le cas de la séquence, drôlatique, de l’utilisation du crayon à larmes des maquilleurs.
La mise en scène d’Elie Schumacher profite d’une scénographie évocatrice. Sa troupe de mecs occupe tout le plateau, de cour à jardin, de l’avant-scène au lointain. Et la hauteur est de la partie, car il faut grimper, cascader, rebondir. Ne pas craindre de mouiller la chemise ni de la retirer façon boys band. Quant aux zizis, voyeurs, ouvrez l’œil. Il y en a. Mais tout va très vite.
Durée : 1h20
Dès 14 ans
16>18 juin 2023 Palais des Beaux-Arts (Théâtre de l’Ancre) Charleroi [Be]
Texte, mise en scène Eline Schumacher
Interprétation Léonard Cornevin, Adrien Drumel, Thierry Hellin, Lucas Meister, Jean-Baptiste Polge et Michel Villée
Collaboration artistique Nicolas Mouzet-Tagawa
Assistanat stagiaire à la mise en scène : Bogdan Kikena
Création lumière Octavie Piéron
Création son Noam Rzewski
Scénographie Juul Dekker Création costumes
Frédérick Denis
Régie générale : David Alonso
Construction décor : Sébastien Corbière avec Nassim Bajou, Jean-Baptiste Robert Chorégraphie Paola Dibella
Arrangement, coaching vocal : Ségolène Neyroud
Production : Mars – Mons arts de la scène
Coproduction Théâtre Les Tanneurs (Bruxelles [Be]), Maison de la Culture (Tournai [Be]), La Coop asbl, Shelter prod
Soutien : Fédération Wallonie-Bruxelles, Service du Théâtre, Taxshelter.be, ING, Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge
Aide : Théâtre National WB
Photo ©DR
Vidéo : www.pba.be/spectacle/la-ville-des-zizis/



