La Vie de Galilée de Bertolt Brecht
Lumières du clair obscur
Face à La Vie de Galilée, Claudia Stavisky prend le parti d’échapper à la tradition d’un théâtre très didactique et au respect de la période historique. Son spectacle est anachronique, multi-époques, avec des costumes de divers moments (mais l’on respecte la fameuse et si plaisante scène du pape qui s’habille lentement des innombrables pièces de sa tenue de pontife) et semble suivre diverses pistes. Un peu tricheur (puisqu’il s’attribue la découverte de lunettes qu’il a tout simplement achetées dans une boutique), un peu courtisan (puisqu’il accepte de renoncer à sa thèse d’une terre qui tourne autour du soleil), le Galilée ici représenté tient de l’architecte d’aujourd’hui, avec une grande table de travail posée sur des tréteaux, et du réprouvé réfugié dans un lieu sombre qui pourrait être un hangar, un triste lieu de repli. L’endroit où il vit donne sur la mer et sur une terre qui s’effondre – quelques images vidéo tendent à prouver que Brecht pressentait les dangers qui menacent la planète. Galilée est un savant qui se heurte aux dogmes de l’Eglise mais aussi un homme dont la pensée sait vagabonder au-delà de ses recherches.
Dans le décor audacieux, changeant et vertical de Lili Kendaka et les lumières du clair obscur, le spectacle a du nerf et des effets de surprise. Il se règle sur un interprète très puissant, Philippe Torreton, qui joue Galilée comme un cogneur, comme un orateur populaire, en en atténuant sans doute ce que le personnage a de politique et de secret. L’acteur est si dominant que ses partenaires, Guy-Pierre Couleau, Nanou Garcia, Frédéric Borie et même Michel Hermon, qui interprètent plusieurs rôles, ont du mal à exister mais s’imposent par instants. Marie Torreton, en revanche, a une présence émouvante dans le rôle de la fille du savant. Il y a quelque chose de discontinu dans ce spectacle d’une réelle ampleur mais ne trouve pas sa totale dimension, comme y parvenait l’une des précédentes et mémorables mises en scène de Claudia Stavisky, Tableau d’une exécution d’Howard Barker.
La Vie de Galilée de Bertolt Brecht
texte français d’Eloi Recoing (éditions de l’Arche), mise en scène Claudia Stavisky
Assistanat à la mise en scène Alexandre Paradis
scénographie et costumes Lili Kendaka
lumière Franck Thévenon
son Jean-Louis Imbert
vidéo Michaël Dusautoy
avec Philippe Torreton, Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton
La Scala 13 boulevard de Strasbourg 75010 Paris, tél. : 01 40 03 44 30, jusqu’au 9 octobre. Puis en tournée : Le Liberté, Toulon (17-18 octobre), La Criée, Marseille (5-7 novembre), Equinoxe, Châteauroux (11-2 novembre), Les Célestins, Lyon (15 novembre – 1er décembre), Anthéa, Antibes (17-18 décembre), Comédie de Saint-Etienne (8-10 janvier), Maison de la Culture, Nevers (17 janvier), Le Quai, Angers (23-25 janvier).
Photo Simon Gosselin.