La Souricière d’Agatha Christie
Meurtre suivi d’enquête dans une campagne anglaise
A Paris comme à Londres (où La Souricière tient l’affiche depuis soixante-sept ans), un acteur, à la fin de la représentation, demande aux spectateurs de ne pas dévoiler le secret final de cette enquête policière. Alors on vous le dit ? Non, il n’y a pas lieu de le révéler car, si l’intérêt d’un spectacle ne tenait qu’à cela, la clé d’une énigme plutôt classique, l’on pourrait laisser dans l’ombre ce type de jeu divertissant, certes, mais mineur. Le spectacle que proposent la théâtre de la Pépinière et le metteur en scène Ladislas Chollat maintient le principe du suspens (c’est vrai, c’est quand même grisant) mais s’amuse à fonctionner sur le caractère stéréotypé des personnages et à enrichir le jeu théâtral d’interventions dansées et surtout chantées, qui poussent la soirée aux frontières de la comédie musicale. La spirituelle adaptation de Pierre-Alain Leleu ne craint pas d’amplifier l’humour anglais que la reine du crime littéraire pratique sans en abuser.
Quelque part dans une campagne anglaise, un jeune couple ouvre une pension de famille, bien feutrée, bien douillette. Il neige ; les routes ne vont pas tarder à être impraticables. Les clients qui arrivent l’un après l’autre vont être immobilisés dans cet hôtel de moyenne catégorie. Comme l’un des personnages est assassiné et comme un lieutenant de police arrive d’on ne sait où, les journées et les soirées deviennent lourdes, la suspicion tournoie dans le hall d’entrée. Ici, pas de nobles hautains, mais une petite bourgeoisie gentillette ou mesquine au milieu de laquelle s’est glissé un aventurier à l’accent russe et où chacun ment mieux qu’il ne respire.
Le décor d’Emmanuel Roy est astucieusement étouffant, avec son entrée d’hôtel étriqué, et malignement ouvert par une baie où l’on voit arriver ou partir les protagonistes. La mise en scène de Chollat, qui aime rire à tous les étages, utilise ce lieu comme une boîte à surprises, avec le surgissement des uns et des autres. Brice Hillairet est l’un des plus plus bondissants de la troupe ; il est très plaisant en mystérieux diablotin. Dominique Daguier incarne l’autorité policière avec un merveilleux trop plein de sévérité. Christelle Reboul est toute en émotions, en éclats, en palpitations : elle semble sortir d’un film de Jacques Demy. Pierre-Alain Leleu, en géant inquiétant, est un méchant comme on les aime (au théâtre). Sylviane Goudal, Marc Maurille et Stéphanie Hédin savent donner un arrière-plan troublant à leur présence vraie et quotidienne. Le ballet parlé et dansé de ce thriller moqueur procure un vif plaisir, savant et enfantin à la fois.
La Souricière d’Agatha Christie, adaptation de Pierre-Alain Leleu, mise en scène de Ladislas Chollat, décor d’Emmanuel Roy, costumes de Jean Daniel-Vuillermoz, maquillages et coiffures de Catherine Saint-Sever, lumières d’Alban Sauvé, musique de Fédéric Norel, son de Mathieu Boutel, assistanat d’Eric Supply, avec Dominique Daguier, Sylviane Goudal, Stéphanie Hédin, Brice Hillairet, Pierre-Alain Leleu, Marc Maurille, Christelle Reboul (en alternance avec Christine Bonnard), Pierre Samuel.
Pépinière Théatre, 21 h (dimanche 15 h 30), tél. : 01 42 61 44 16. (Durée : 1 h 40).
Photo DR : Brice Hillairet, Christelle Reboul.