La « Carmen » du Ballet national de danse d’Espagne
Une héroïne contemporaine
Le personnage de Carmen sorti de la nouvelle de Mérimée et immortalisé par la musique de Bizet, se plie à tous les traitements comme le prouve la « Carmen » que le Ballet National de Danse d’Espagne, présente au Théâtre Mogador à Paris, aux 15èmes Etés de la danse.
On se trouve face à un type de ballet narratif troublant et à la forte théâtralité qu’a signé en 2015 le Suédois Johann Inger pour la compagnie espagnole. L’action est transposée dans les années 70 du XXème siècle dans une banlieue délaissée. L’usine où travaille Carmen a des allures de prison et l’héroïne est une femme libérée, bagarreuse, sensuelle face à un Don José, complexé par une rigide éducation religieuse que rend fou la jeune femme au point de la tuer.
Une Carmen qui est presque une petite fille devant un Escamillo transformé en vedette idole de rock. A disparu de l’intrigue le personnage de Micaela ou plutôt il est remplacé par un enfant (El nino) qui jette un regard extérieur, naïf sur la tragédie qui se joue. Ce personnage n’est pas gênant, mais parfois on se demande si il est vraiment nécessaire. C’est peut-être le point faible de ce ballet qui, en revanche, évite toute espagnolade, bien que Carmen soit tout de même en rouge et que les jupes des femmes aient des volants, mais… courts. Les hommes portent des chemises à pois. Les éléments de décor, des panneaux miroirs qui démultiplient les silhouettes, à l’infini sont manipulés par les danseurs.
La partition sur laquelle s’appuie la danse est celle retravaillée de la « Carmen » de Bizet par Rodion Chtchdrine avec des apports de la musique traditionnelle espagnole de Marc Alvarez. On sent chez le chorégraphe Johann Inger, les influences des deux chorégraphes avec lesquels il a dansé, le Suédois Mats Ek et le Tchèque Jiri Kylian. Sa « Carmen » est concentrée , concrète et peut parler aisément à des sensibilités actuelles.
Lors de la tournée parisienne du Ballet National de Danse d’Espagne sera fêtée la centième représentation de cette « Carmen » qui a reçu un Benois de la danse à Moscou en 2016. L’actuel directeur de la compagnie, l’ancienne étoile de L’Opéra de Paris José Martinez, après deux mandats de quatre ans, quitte son poste pour céder la place à un autre danseur classique espagnol Joaquin de Luz qui vient du New York City Ballet.
Photo Carlos Quezada
Théâtre Mogador, du 8 au 17 juillet 2019, durée 1h30, Places de 25 à 98 €