Paris, Ciné 13 théâtre jusqu’au 19 mai 2012

Dialogue aux enfers de Maurice Joly

Machiavel et Montesquieu face à face

Dialogue aux enfers de Maurice Joly

Dans la pénombre des enfers, Machiavel et Montesquieu se rencontrent. En habile avocat, Montesquieu déclare tout de go à l’Italien que le monde a changé et que la démocratie a triomphé. Machiavel le laisse parler puis, posément, brillamment, sournoisement, lui démontre le contraire : les tyrans sont toujours en place et le discours républicain cache mal l’éternel triomphe de la dictature personnelle qui a seulement changé de face. Tous deux ont été de géniaux penseurs politiques et tous deux aimeraient l’avoir emporté dans la postérité. Mais peut-on détrôner Machiavel ? Ce dialogue de 1865 fut interdit dès sa parution et son auteur flanqué en prison : l’avocat Maurice Joly raillait le pouvoir de Napoléon III. C’est bien plus tard que le texte fut transposé au théâtre : on l’entendit dans la bouche de Pierre Fresnay, puis de François Chaumette…
A présent, à l’initiative de Catherine Sellers qui, avec son mari Pierre Tabard, avait conçu une nouvelle transposition, le dialogue revit, sans Pierre Tabard, mort brutalement, mais avec des acteurs ayant travaillé dans sa compagnie : Jean-Paul Bordes, Hervé Dubourjal et Jean-Pierre Andréani.

Dubourjal a conçu une mise en scène dépouillée où Machiavel et Montesquieu sont vêtus de noir dans le noir. Une obscurité d’enfer, mais relative puisqu’on distingue un coffre clair où les personnages s’installent ou viennent prendre les hochets de leur pouvoir. Jean-Paul Bordes, l’un de nos plus grands acteurs, joue Machiavel tout en roueries, en détachements et en éclats sourds. Il est toujours entre la nuit du monde et la lumière des mots. Pour le personnage de Montesquieu, les hasards de la soirée font qu’il est tantôt interprété par Dubourjal, tantôt par Jean-Pierre Andréani. C’est Dubourjal que nous avons vu, acteur vif, net, coupant, s’appuyant avec une allégresse secrète sur le caractère juridique et discursif de ses répliques. Jean-Pierre Andréani, que nous avions vu il y a quelques années à la création du spectacle au Lucernaire, donne une image plus sensible, moins tranchante de l’auteur de L’Esprit des lois. Les deux comédiens sont à égalité, avec des personnalités différentes. Tous trois sont judicieusement endiablés dans ce brûlot d’antan qui reste un explosif lancé à nos trop confiantes démocraties.

Dialogue aux enfers de Maurice Joly, adaptation de Pierre Fresnay et Jean-Marie Charton revisitée par Pierre Tabard et Fabienne Périneau, mise en scène par Hervé Dubourjal, lumières de Cédric Simon, avec Jean-Paul Bordes dans le rôle de Machiavel et Jean-Pierre Andréani et Hervé Dubourjal en alternance dans le rôle de Montesquieu. Ciné 13 Théâtre, jusqu’au 19 mai, du mercredi au samedi à 20h. Tél. : 01 42 54 15 12. (Durée : 1 h 15).

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A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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