Défaut d’origine de Yasmine Laassal
Scanner autobiographique
Yasmine, née d’une mère Belge et d’un père Marocain, a connu les tourments des couples vivant séparés, des rejets à relents xénophobes à cause de son physique métissé. Ses blessures sont celles de bien des jeunes qui ont vécu ce genre de situation. Son parcours la mène en quête de l’acceptation de soi.
Une mère célibataire dans les années 70 en Wallonie pas encore picarde. Un père marié dans son pays et venant rarissimement voir une fille qu’il a pourtant reconnue. Une absence encore plus douloureuse à sa mort alors qu’elle a douze ans. Les avanies coutumières des mentalités héritées du colonialisme de la part de ses condisciples, de la part de certains adultes. Telle est la matière de ce seule-en-scène qui n’en est pas tout fait un.
En effet, Yasmine Laassal y interprète tous les rôles. Non qu’elle imite toutes les voix comme lorsqu’on vise la performance plus que l’interprétation au point de devenir insupportable (ainsi Andréa Bescond jouant son propre rôle dans « Les Chatouilles »). Il lui arrive d’emprunter leur parole, allant même par intermittence jusqu’à jouer du play back, mais ce sont alors celles de personnages distanciés qui apparaissent sur un écran : sa mère, deux copines de classe, sa prof d’art dramatique, une coiffeuse.
Si toutes ces personnes ont joué un rôle dans le déroulement de son existence, cette dernière possède un poids particulier parce les cheveux servent de fil conducteur au propos. Ce sont eux, en effet, qui frappent d’abord l’attention des gens car ils ont un crépu rare chez les Européens. Ils attestent visuellement une différence qui déclenche les réactions du racisme ordinaire. Et,lorsqu’ils sont coiffés autrement, c’est le papa qui les déteste.
Le spectacle évite la linéarité de la chronologie. Il se construit théâtralement à la façon d’un puzzle à coup d’anecdotes dans lesquelles cohabitent la drôlerie et l’émotion lors de certains événements ou de situations. Ce cocktail se retrouve lors de la première communion, dans la cour de récréation à l’école primaire, lors des cours d’art dramatique à l’académie, au moment du dernier départ du papa, à la confrontation avec son corps de la fillette devenant femme, au cours de vacances marocaines, dans l’apport culturel du conservatoire... Sans pathos malgré déceptions et blessures. Seulement l’intime de la conviction du vécu.
La comédienne se sert de ses talents pour interpréter de manières variées. Elle explore plusieurs registres vocaux et corporels. Elle passe de la chanson au chant classique. Avec sa metteur en scène et complice, Bouchra Ezzahir, elle impulse des rythmes adaptés à chaque moment scénique. Cela sans artificialité. La personnalité se révèle au fil des actions. Jusqu’à l’inattendu de l’ultime confidence, de la totale sincérité. Une justesse du réel autant dans le dramatique que la comédie, semblable à celle du film « Close » de Lukas Dhont.
A l’affiche :
21,22,23 et 28,29,30 mars 2024 à 20:00 Boson Bruxelles (Ixelles)
Rencontres du Théâtre Jeune Public de Huy
Durée : 1h
Dès 12 ans
19 mars 2023
Ecole Normale 19 août 2023 11h30 16h
vu le 17-19.11.2022 Espace Magh Bruxelles [Be]
Écriture, jeu, costumes : Yasmine Laassal
Écriture, mise en scène, scénographie, vidéos : Bouchra Ezzahir
Création et régie lumières, création sonore : Gaëtan Van Den Berg
Construction scénographie : Stéphane Dubrana
Diffusion, guide d’accompagnement des publics : Isabelle Authoml
Administration, production : Jérôme Nayer
Régie vidéo : Antonin De Bemels
Production : Théâtre des Chardons
Coproduction : Espace Magh
Aide : Fédération Wallonie-Bruxelles, Service général de la Création artistique – Direction du Théâtre – Session TJP
Soutien : Pierre de Lune/ Centre Scénique Jeunes Publics (Bruxelles), Ekla/ Centre scénique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse
Photo © Alice Piemme
Prix Maeterlinck de la critique 2023 du seul-en-scène