Danser à la Lughnasa de Brian Friel

Cinq soeurs irlandaises

Danser à la Lughnasa de Brian Friel

Brian Friel, dont naguère Laurent Terzieff montait bien des pièces, est l’un des tout premiers auteurs irlandais. Il est mort en 2015, et son théâtre reste toujours vivant. Pour preuve Danser à la Lughnasa, qui a été souvent jouée, portée à l’écran et dont la compagnie Qui porte quoi donne une nouvelle mise en scène au théâtre 13. Dans une maison isolée de la campagne irlandaise, cinq sœurs font face aux difficultés de la vie. Elles formeraient un monde purement féminin s’il n’y avait pas un très jeune homme – qui est le fils d’une des femmes séduite et abandonnée par un petit don juan local. D’ailleurs ce don juan n’hésite pas à passer de temps à autre ; puis vient un oncle qui a été missionnaire en Ouganda et s’installe dans la maison. Tous sont chrétiens mais le paganisme traverse les corps et les esprits, à travers les croyances rurales et la fascination de la sorcellerie que l’oncle a acquise en Afrique. La « Lughnasa », c’est la fête de la lune. Chacun se laisse emporter par la danse, mais c’est l’évolution du monde qui va frapper et désunir le groupe : ces jeunes femmes fabriquent des gants à domicile ; c’est à l’usine que certaines d’entre elles devront aller, pour survivre. Et la guerre d’Espagne pourrait ravir l’un des rares hommes qui passent dans ce bout du monde…
En fait, tout est vu à travers le récit du fils. Son récit s’interrompt pour laisser place aux scènes qui surgissent dans son souvenir. La mise en scène de Gaëlle Bourgeois équilibre avec justesse un minimum de réalisme et une abstraction légèrement symboliste. Les acteurs sont au centre d’un large cercle terreux, quelques petits objets du quotidien s’inscrivant dans cette circonférence. Au centre, un vieux poste de radio, essentiel dans cette histoire où le son et la musique sont les seuls cadeaux qui rompent la banalité des journées. Les acteurs sont au plus vrai de leur partition : l’énergie généreuse pour Pauline Gardel, Céline Perra, Jennifer Rihouey, la douleur énervée pour Emilie Chesnais, le désespoir exacerbé pour Pauline Cassan, le souvenir enchanté pour Vincent Marguet, un double sens de la fantaisie chez Nicolas Bresteau et Bruno Forget. Ici, tout est d’une belle et sensible aquarelle, d’une émotion pleine et discrète.

Danser à la Lughnasa de Brian Friel, texte français d’Alain Delahaye (éditions Avant-Scène Théâtre, Quatre Vents), mise en scène Gaëlle Bourgeois (Compagnie Qui Porte Quoi ?), assistante à la mise en scène : Caroline Stefanucci, dramaturgie de Raphaël Thet, chorégraphie d’Yana Maizel, lumières de Charly Hové, costumes de Perrine Ritter, avec Nicolas Bresteau (Gerry Evans), Emilie Chesnais (Maggie Mundy), Bruno Forget (Jack Mundy), Pauline Gardel (Christina Mundy), Vincent Marguet (Michael Mundy), Céline Perra (Kate Mundy), Jennifer Rihouey (Agnes Mundy) et Pauline Cassan (Rose Mundy.)

Théâtre 13/ Jardin 103 A, boulevard Blanqui 75013, tél. : 01 45 88 62 22, jusqu’au 13 octobre.(Durée : 1 h 50).

Photo Caroline Stefanucci.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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