D’amour et d’Espagne
« Romancero », enregistré avec le guitariste Guillaume Bleton, permet à Éléonore Gagey de faire chanter avec feu le transport amoureux.
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- 23 mai
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NOUS AVIONS GOÛTÉ LA BELLE VOIX et le tempérament d’Éléonore Gagey dans l’Orfeo de Rossi représenté il y a quelques mois à l’Athénée. Revoici cette jeune interprète, cette fois dans un répertoire fort différent, à la faveur d’un disque où elle chante en compagnie de la seule guitare de Guillaume Bleton. « Romancero » raconte en effet, par le jeu d’une mosaïque juxtaposant vingt-six pièces à la fois intimes et ardentes, une histoire amoureuse qui fait se succéder, après La mi sola, Laureola d’Obradors en guise de prologue, la passion, la trahison, le réconfort, la perte, le tout s’achevant dans la résignation désolée de Damunt de tu nomes de Mompou. Vingt-six pièces composées par des musiciens espagnols (on y croise aussi le compositeur cubain Leo Brouwer et même Saint-Saëns, à la faveur d’un Desdichado chanté en duo avec Anne-Sophie Petit) qui exaltent ou plutôt explorent le sentiment amoureux.
Les deux interprètes ont choisi de faire voler en éclats les cycles de mélodies pour les recomposer selon une continuité dramatique et sensible. Si certaines de ces pages sont des bijoux mélodiques (Cuando sobre el pecho inclinas d’Albéniz, ou encore la Canción de cuna para dormir a un negrito de Montsalvage, berceuse aux harmonies fort troublantes), toutes donnent l’occasion au timbre riche et sombre d’Éléonore Gagey d’exprimer ce qui vibre, chante et se cache dans les plis de l’émotion amoureuse. Adela de Rodrigo, El vito d’Obradors et Me ha herido recatándose en las sombras d’Albéniz, au milieu du programme, composeraient presque un triptyque idéal, de la mélancolie à la fougue et à la douleur, cependant que Chiquita la novia d’Obradors permet à la chanteuse de donner un éventail complet de son art, des « ah » introductifs que suivent une espèce de portique déclamé jusqu’à une déploration sur d’éloquents tremblements de guitare.
Guillaume Bleton se réserve à titre de respiration quelques pages pour guitare seule (on apprécie en particulier Montemayor de Moreno Torroba et Endecha de Tarrega, interprétés avec un très beau son), et signe plusieurs arrangements (deux pages de Falla, Polo et Asturiana, étant arrangées, elles, par Miguel Llobet). Un partenaire éclairé dans les chaudes nuits amoureuses que nous fait parcourir Éléonore Gagey.
« Romancero ». Éléonore Gagey, mezzo-soprano ; Guillaume Bleton, guitare. 1 CD Paraty 1 923 146.