Bye-bye tristesse par Caroline Loeb
Une vie pour rire et pour aimer
Caroline Loeb est devenue tard un grand personnage de la chanson. A l’automne de lsa vie – avec la jeunesse de ceux qui ont su fuir les conformismes et leurs prisons confortables -, elle est quelqu’un qui a cinquante ans d’insolences et d’émotions à conter et qui nous touche avec la majesté, non contaminée par l’esprit de sérieux, d’une artiste importante à la jonction de nos deux siècles. C’est une chanteuse à placer en tête de nos bacs à disques intérieurs, mais nous ne le savions pas. En fait, nous le savions confusément. Mais un tube, dont elle ne rappelle pas le titre en scène (donc nous ne le rappellerons pas), avait fait barrage. Caroline Loeb risquait de rester à tout jamais la chanteuse d’un de ces airs à succès qui portent leur interprète jusqu’au triomphe et l’engloutit ensuite dans l’oubli. En fait, depuis ce succès (très marrant) des années 80, ce chat sauvage et savant a fait beaucoup de choses, qui ont été remarquées et applaudies : sa mise en scène de Shirley jouée par Judith Magre, des albums, des tours de chant, un seul en scène parfait Françoise par Sagan… Mais, aujourd’hui, tout se met en perspective et en place dans Bye-bye tristesse.
Elle a connu Sagan et a recréé son personnage au théâtre. Elle a une évidente gémellité avec l’auteur d’Aimez-vous Brahms… : le goût de la nuit, de la fête, la joie de prendre le plaisir sans le souci du lendemain, les passions qui durent le temps d’un éclair. Soit la fièvre d’une vie où l’on rit où l’on aime. Cette sororité s’exprime dans ce nouveau récital, à travers les chansons écrites par Sagan elle-même (Bonjour New-York, Les Maisons louées) et par une chanson intitulée Sagan. Mais d’autres auteurs ont écrit pour elle : Pierre Grillet, Pierre Notte, Pascal Mary, Thierry Iliouz, Wladimir Anselme, Jean-Louis Piérot, Benjamin Siksou. Le sur-mesure de ces paroliers donne chair plutôt à l’amoureuse, à la solitaire, à la nostalgique. Ces mots et ces notes, narquois ou caressants, désinvoltes ou poignants, mettent à nu, derrière les voiles souvent magnifiques de la poésie chantée, une femme qui a défié le temps qui passe et s’enroule malgré tout dans le temps en allé. Elle n’en est pas moins de plain pied avec la jeunesse qui surgit, qu’elle adopte et qui, lorsqu’il s’agit de ses musiciens si bien accordés, s’enchante de faire une fête instrumentale et mélodieuse avec elle. Son récital est, grâce à des inserts parlés toujours drôles, la chronique de sa vie, marquée notamment par son dédain des grands de ce monde (François Mitterrand) et ses embardées nocturnes au Palace.
Stephan Druet, maître du spectacle musical de poche (mais aussi sur de grandes scènes), a transformé l’art de la meneuse de revue en un art d’hôtesse conteuse poète virevoltante. Il y a toujours des gags et du jeu d’équipe dans les spectacles de Druet. Il y en a ici. Mais tout se fond dans une ronde où s’enlacent le passé et le présent d’une chanteuse à la voix et à l’âme d’un or de contrebande, impossible à estimer selon les lois du marché.
Caroline Loeb chante et raconte Bye-bye tristesse, mise en scène de Stephan Druet, lumière de Thomas Jacquemart, chorégraphies de Sebastian Galeota, costume d’Irié, accompagnement de Stéphane Corbin, Vorfois, Benjamin Corbeil.
Avignon off : La Luna, 14 h 40, tél. : 04 90 86 96 28, jusqu’au 28 juillet.
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