Biographie : un jeu, de Max Frisch

Passé recomposé

Biographie : un jeu, de Max Frisch

Frédéric Bélier-Garcia revient à cette pièce qui fut l’objet de sa première mise en scène en 1999, avec François Berléand (Kürmann), Emmanuelle Devos (Antoinette) et Eric Elmosnino (le meneur de jeu).
Raconter son histoire, rejouer sa vie en la modifiant au fil des répétitions, au gré de la mise en scène, autant de possibles offerts par le théâtre. Derniers réglages avant la représentation de la vie du professeur Kürmann. Dans le décor d’un salon confortable, un dernier détail est réglé (une assistante apporte le cendrier), les comédiens sont prêts. On peut commencer et jouer la scène de la rencontre, à 2 heures du matin, entre l’élégante et séduisante Antoinette Stein (Isabelle Carré), la dernière invitée qui s’éternise et le maître de maison (Jérôme Kircher) qui aimerait la voir partir…. La conversation s’étire quand brusquement tout s’interrompt avec l’intervention de Kürmann (José Garcia) qui, insatisfait par la représentation théâtrale de cet événement majeur de son existence, décide de reprendre sa place dans l’histoire.
Le professeur Kürmann, accompagné d’un meneur de jeu (Jérôme Kircher) un brin Méphisto et metteur en scène, se voit offrir la possibilité de rejouer sa vie en modifiant le cours des événements. Belle aubaine : et s’il pouvait changer le cours des choses, effacer Antoinette, ne l’avoir jamais rencontrée… Alors il revient sur quelques périodes de son existence, écartant des éléments désagréables de son enfance, se souvenant avec nostalgie de ses études à Berkeley et de son premier amour, évoquant sa maladie et ses angoisses et surtout ressassant son histoire avec Antoinette.
Le décor d’Alban Ho Van évolue au fil des essais successifs pour recomposer des événements passés, trouver d’autres mots, d’autres gestes pour mieux supporter des déboires sentimentaux. Dans la mise en scène fine et précise de Frédéric Bélier-Garcia, les personnages rejouent les situations selon les intentions de Kürmann qui, confronté aux limites de son jeu, revit ses hésitations, ses compromis et ses déceptions, et finalement tourne en rond, impuissant à échapper à son histoire. Isabelle Carré prête à son personnage la distance, le caractère insaisissable que lui attribue son époux. José Garcia ne s’est pas encore tout à fait approprié le rôle du mari. Jérôme Kircher est un meneur de jeu habile, un peu matois ; Ana Blagojevic et Ferdinand Régent-Chappey, qui interprètent les deux assistants, personnages secondaires et indispensables, endossent avec fermeté et discrétion les différents rôles assignés par Kürmann.
La comédie de Max Frisch nous livre une réflexion intéressante sur notre perception du passé. Que reste-t-il de vrai dans nos souvenirs ? Des situations, des personnes nous reviennent à l’esprit, semblables et pourtant différentes au gré de nos émotions ou de notre désir. Mais surtout, il imagine ce qui se passerait si on pouvait reconfigurer nos vies à notre convenance, mettre en acte une pensée qu’on a tous eue un jour ou l’autre : « et si c’était à refaire… »

Biographie : un jeu, texte de Max Frisch, traduction Bernard Lortholary
Mise en scène, Frédéric Bélier-Garcia, avec Isabelle Carré, José Garcia, Jérôme Kircher, Ana Blagojevic, Ferdinand Régent-Chappey.
Piano : Simon Froget-Legendre en alternance avec Tristan Garnier
Décor : Alban Van Ho assisté de Jeanna Fillion ; lumière, Dominique Bruguière ; Costumes, Marie La Rocca

Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D ; Roosevelt, 75008 Paris, du 8 mars au 3 avril à 21H, durée 1H50.

© Giovanni Cittadini Cesi

A propos de l'auteur
Brigitte Coutin
Brigitte Coutin

professeur de lettres modernes en lycée

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