Festival Berlioz de La Côte-Saint-André
Berlioz, une jeunesse européenne
L’édition 2024 du Festival Berlioz s’est déroulée sous les auspices de la jeunesse et de l’Europe : marraines idéales pour un musicien voyageur qui vécut jusqu’au bout avec des passions adolescentes dans le cœur.
- Publié par
- 2 septembre
- Critiques
- Opéra & Classique
- 0
-
APRÈS UNE FLAMBOYANTE ÉDITION 2023 (Les Troyens, La Damnation de Faust), Bruno Messina, directeur du Festival Berlioz depuis 2009, avait choisi de consacrer les programmes de cette année au répertoire symphonique, essentiellement, réservant à la prochaine édition le retour à l’opéra. Le thème choisi (« Une jeunesse européenne ») lui permettant par ailleurs d’inviter des formations venues d’Ukraine, de Suisse, d’Espagne, de Pologne, de France, tous les concerts ayant lieu sur place, à La Côte-Saint-André, sans spectaculaire manifestation décentralisée comme il y en eut lors des années précédentes.
Il faut saluer la grande qualité d’ensemble des interprètes invités, qui font de chaque soirée au château Louis XI un moment digne d’intérêt. Parmi les concerts auxquels nous avons assisté, on citera en particulier celui donné le 29 août par l’Orchestre symphonique de la radio-télévision croate placé sous la direction exigeante et passionnée de Pascal Rophé (qui avait tenu, à l’occasion de son dernier concert à la tête de l’Orchestre national des Pays de la Loire, à Nantes et à Angers, en 2022, à diriger le Requiem de Berlioz) ; concert qui a permis d’entendre l’Ouverture de Porin du compositeur croate Vatroslav Lisinski (1819-1854), partition bien ficelée qui se rappelle de Mendelssohn, et la toujours spectaculaire Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, jouée avec le brio qu’on imagine par Nelson Goerner. Ce programme ne comportait aucune œuvre de Berlioz, mais Aus Italien, donné en seconde partie, est un peu l’Harold en Italie de Richard Strauss, avec un troisième mouvement riche des miroitements de la future Salomé, déjà, et en guise de finale une fantaisie sur le thème « Funiculì, funiculà » de Luigi Denza : nous ne sommes pas si loin des chemins de fer célébrés par Berlioz dans son Chant du même nom !
L’autre concert
Un peu moins convaincant peut-être, le concert dirigé la veille par Kristiina Poska à la tête de l’Orchestre français des jeunes avait permis d’entendre une Ouverture de Benvenuto Cellini un peu trop prudente puis une Symphonie rhénane de Schumann beaucoup plus allante et engagée. Entre les deux, la grande Elisabeth Leonskaja eut la bonne idée de jouer le Concerto pour piano n° 2 de Tchaïkovski (dont seul le Premier, célébrissime, est régulièrement interprété, sachant qu’il existe aussi un Troisième Concerto de Tchaïkovski, plus ou moins arrangé par Taneiev) : une œuvre assez déconcertante, avec ou sans jeu de mots, qui commence par un Allegro brillante e molto vivace assez diffus aboutissant à une immense cadence… que l’on pourrait prendre pour un mouvement lent, confié au piano seul, qui s’enchaînerait avec le premier Allegro. Mais non, voici la coda, puis le deuxième mouvement, assez étrangement construit lui aussi, avec deux sections qui paraissent sorties d’un double concerto pour violon et violoncelle ! Le finale, plus bref, s’achève dans l’euphorie.
Outre les soirées symphoniques, le Festival Berlioz continue de proposer à 17h, dans l’église Saint-André, des programmes de musique de chambre fort bien composés. Suzana Bartal, le 28 août, consacrait un récital à Liszt et Debussy : dans la résonance de l’église, les premières notes de Funérailles ont tout d’un glas on ne peut plus sinistre. Et on se réjouit que la pianiste ait choisi de jouer deux Rhapsodies hongroises : la crépitante Sixième et, beaucoup moins connue, la Cinquième, conçue comme un cortège funèbre.
L’autre symphonie des jouets
Marc Coppey et François Dumont, le lendemain, célébraient le centenaire de la mort de Fauré avec plusieurs œuvres pour violoncelle et piano (dont la Deuxième Sonate, op. 117) suivies par la tardive Sonate op. 65 de Chopin. Le 30 août, Stéphanie-Marie Degand et Marie-Josèphe Jude interprétaient quant à elles trois œuvres dédiées chacune à un violoniste célèbre : Rodolphe Kreutzer (la Sonate « à Kreutzer », évidemment), Josef Joachim (la Romance n° 1 de Clara Schumann) et Eugène Ysaÿe (l’ardente Sonate de Franck). De beaux moments d’intimité dans la fraîcheur des pierres séculaires.
On n’oubliera pas de mentionner l’exposition qui, chaque été, accompagne le festival dans le cadre du Musée Hector-Berlioz. Cette année, place aux jouets musicaux ! (L’exposition est visible jusqu’au 31 décembre.)
Illustration : Pascal Rophé (photo B. Ealovega) et Nelson Goerner (photo Marco Borggreve)
Festival Berlioz, du 17 août au 1er septembre 2024 (www.festivalberlioz.com).