Adieu à Jean-Paul Roussillon

Adieu à Jean-Paul Roussillon

L’un de nos plus grands comédiens vient de nous quitter, le 31 juillet : Jean-Paul Roussillon, âgé de 78 ans. Il était le théâtre même. N’était-il pas le fils d’un souffleur de la Comédie-Française ? Il avait passé son enfance dans les coulisses du Français et n’avait rêvé que d’être acteur. Il le fut toute sa vie, surtout au Français où il resta 32 ans, mais aussi sur d’autres scènes quand les Lavelli et les Françon vinrent chercher ce personnage exceptionnel. Petit, trapu, le visage plébéien et malicieux, la voix grasseyante, il incarna les valets, tels Arlequin et Scapin, avant de s’emparer de grands rôles dans le répertoire de Balzac, Grumberg, Vinaver ou Pinget. Dans les années 60 et 70, il fit parallèlement des mises en scène dont la cruauté et la noirceur surprirent et séduisirent : son Avare de Molière, joué par Michel Aumont en 1983, reste une référence du genre (heureusement, René Lucot en tira un film, aujourd’hui disponible en DVD). Formé au biberon des classiques, il possédait une étrangeté, une stature massive, des arrière-plans sombres, une puissance et une truculence qui s’accommodaient fort bien aux écritures d’aujourd’hui. C’est ainsi qu’il joua Yasmina Reza, Thomas Bernhard, Marguerite Duras, Daniel Keene, Edward Bond... Mais c’est dans une oeuvre du répertoire qu’il effectua son dernier passage en scène, celui du vieux First, le domestique qu’on oublie dans la maison quand la famille quitte son domaine, dans La Cerisaie de Tchekhov. C’était à la Colline, ce printemps, dans une mise en scène d’Alain Françon. Déjà tenaillé par la maladie, il assumait difficilement mais crânement son rôle.

Au cinéma, il ne tint presque que des rôles de second plan, ce qui ne lui interdisait pas de crever l’écran. On le voit par exemple dans On connaît la chanson de Resnais ou Mischka de Jean-François Stévenin. Mais il ne se vit confier que deux rôles importants : l’homme qui recueille des enfants juifs pendant la guerre dans Zone libre que Christophe Malavoy tira de la pièce de Jean-Claude Grumberg, et celui du père, mari de Catherine Deneuve, dans Un conte de Noël d’Arnaud Dépléchin. Cela suffira à notre bonheur quand nous désirerons le revoir, bourru, troublant, ratiocinant ! Comme sa femme, la comédienne Catherine Ferran, il était modeste, n’ayant que l’orgueil des perfectionnistes. Pourtant, avec lui s’en va une grande figure du théâtre, un être de glaise qui pouvait prendre toutes les formes et rester, sous la diversité, identique et unique, l’un de ces personnages mythiques et réels de notre galerie d’acteurs familiers, à l’image d’un Michel Bouquet ou d’un Michel Aumont.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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