Adieu Seiji Ozawa

Le valeureux chef d’orchestre japonais s’est éteint le 6 février à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

Adieu Seiji Ozawa

SEIJI OZAWA ÉTAIT NÉ EN 1935 DANS LA PROVINCE CHINOISE de Mandchourie, alors occupée par les troupes japonaises. Il Ozawa déménage en 1941 à Tokyo avec ses parents, puis est l’élève du chef d’orchestre Hideo Saito. Sans étudier au Conservatoire de Tokyo, ce que les musiciens de l’orchestre de la NHK lui reprocheront plus tard, il se rend en Europe et remporte en 1959 le Premier Prix du Concours international de direction d’orchestre de Besançon. Proche de Munch et de Karajan, il dira volontiers que le premier lui a appris à inviter les musiciens à jouer, que le second lui a montré l’importance de la concentration : « Quand je dirige, je n’ai pas le temps de penser », disait Ozawa. Un temps assistant de Leonard Bernstein au New York Philharmonic, il se trouve à la tête des orchestres de Toronto et de San Francisco après avoir enregistré quelques disques marquants avec le Chicago Symphony Orchestra chez RCA. Et le voici qui devient en 1973 directeur musical du Boston Symphony Orchestra, poste qu’il occupera pendant trente ans (ce qui est peu long) avant d’occuper des fonctions similaires à l’Opéra de Vienne de 2002 à 2010. Le Boston Symphony, c’est bien sûr l’orchestre dont Munch fut le directeur musical de 1949 à 1962, et lorsque Munch mourut brutalement, en 1968, c’est à Ozawa que Karajan fit appel pour se charger à Salzbourg du Requiem de Berlioz que le chef français aurait dû diriger à la tête du tout nouvel Orchestre de Paris. C’est à Boston également qu’Ozawa se familiarisa avec le répertoire germanique (il nous reste, parmi ses enregistrements, une fort belle Huitième Symphonie de Mahler).

Seiji Ozawa était un musicien de scène avant d’être un musicien de fosse, et de fait il fut l’un des tout premiers chefs japonais à avoir réussi à s’imposer en Occident. À Paris, ainsi, il fut à plusieurs reprises invité par l’Orchestre national de l’ORTF (devenu en 1975 Orchestre national de France), depuis le 22 octobre 1966, date à laquelle il dirige les Sept Haïkaï de Messiaen, jusqu’à la création du Temps l’horloge de Dutilleux avec Renée Fleming, le 7 mai 2009 au Théâtre des Champs-Élysées. C’est avec ce même orchestre qu’il a enregistré la Troisième Symphonie de Saint-Saëns, Carmen avec Jessye Norman, Les Contes d’Hoffmann avec Placido Domingo ou encore la Symphonie espagnole de Lalo avec la violoniste Anne-Sophie Mutter. Le public parisien, à chacune de ses apparitions, était fasciné par sa technique mais aussi par sa gestuelle : Ozawa dirigeait avec son corps tout entier, « entre chorégraphie et arts martiaux », dit joliment Christian Merlin.

Messiaen était l’un des compositeurs de prédilection de Seiji Ozawa. Son enregistrement de la Turangalîla-Symphonie avec l’Orchestre de Toronto est dans tous les esprits, sans oublier, évidemment, la création de l’opéra Saint François d’Assise en 1983 au Palais-Garnier. C’est dans ce théâtre qu’il avait dirigé La Damnation de Faust en 1977, avant de reprendre l’ouvrage à l’Opéra Bastille, en 2001, dans la mise en scène de Robert Lepage.

Un peu comme Claudio Abbado, Seiji Ozawa était un miraculé ; un cancer de l’œsophage l’avait un temps éloigné des scènes, au début des années 2000, avant qu’il y revienne, mais avec prudence. Il avait fondé plusieurs institutions musicales au Japon, notamment, en 1984, l’Orchestre Saito Kinen (en hommage bien sûr à son maître Hideo Saito), puis Ongaku-Juku, structure destinée à faire connaître l’opéra et la musique française aux enfants.

Illustration : Seiji Ozawa photographié par Hiroyuki Ito (photo Getty)

Écouter une émission de Christian Merlin consacrée à Ozawa sur France Musique

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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