Zoom sur les festivals de l’été

Zoom sur les festivals de l'été

Un présentateur expliquait récemment sur une chaîne de télévision qu’il y avait en France autant de festivals que de variétés de fromages. Triviale ou gourmande selon l’humeur, l’image a du moins le mérite de l’éloquence. Nés après la seconde guerre mondiale dans la foulée des premiers pas de la décentralisation et des congés payés, on en comptait une soixantaine dans les années 1960 et plus de cinq cents dans les années 1980. Au fil du temps, les municipalités ont réalisé que le mariage des vieilles pierres et du spectacle vivant, théâtre, danse, musique, était une affaire fructueuse et vraiment, pour bronzer idiot aujourd’hui, il faut y mettre de la bonne volonté. Si Avignon reste incontestablement le roi de l’été certaines manifestations, telle celle de Sarlat en Périgord, restent incontournables.

Les Fêtes nocturnes de Grignan

Si, comme aimait à le dire Jean Vilar, Shakespeare va bien à la Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon, il est certain que Molière sied particulièrement à la façade du Château de Grignan. On peut le constater une fois de plus avec le Tartuffe que nous propose Brigitte Jaques-Wajeman pour qui « c’est sur fond de fanatisme religieux que se dessine la figure mystérieuse et diabolique de l’imposteur ». La dénonciation des effets destructeurs de l’intégrisme, que faisait hier Jean-Baptiste Poquelin, résonne étrangement fort à nos oreilles d’aujourd’hui. Pour permettre au public de profiter pleinement de sa soirée au Château, les Fêtes nocturnes proposent une « mise en bouche » ou plutôt une mise en appétit, sous forme de mini-concerts de 10 à 15 minutes de musique classique ou traditionnelle, donnés dans une des galeries.
Fêtes nocturnes, Château de Grignan du 6 juillet au 22 août tel 04 75 91 83 65

Festival des jeux de théâtre de Sarlat

Au cœur d’un vallon verdoyant, entre Dordogne et Vézère, Sarlat est la ville d’Europe qui possède le plus grand nombre de monuments classés au kilomètre carré et où chaque espace y est un lieu scénique. Aussi la ville eut-elle, dès 1952, l’idée de lier son patrimoine à l’art dramatique. Ce fut cette année-là, Sainte-Jeanne des abattoirs de Brecht mis en scène par Gabriel Monnet. Placée aujourd’hui sous la houlette de Jean-Paul Tribout, la 58e édition propose un programme éclectique apte à plaire à tous les publics. Au total, 21 manifestations proposées en plein air avec le paysage et les pierres blondes de la cité pour décor. Des textes classiques (Antigone de Sophocle, Roméo et Juliette, Hamlet de Shakespeare), des écritures contemporaines (Sublim’Intérim de Louise Doutreligne et Jean-Claude Brisville, Motobécane de et par Bernard Crombey), des spectacles musicaux de multiples factures notamment l’insolite et insolent O Carmen d’Olivier Martin-Salvan qui, entre burlesque et poésie, chant lyrique et pantomime, revisite avec humour et panache l’opéra de Bizet. Au chapitre de l’inattendu voici La Ballade de Simone. Puisant dans Le Deuxième sexe et la correspondance amoureuse de Simone de Beauvoir, Michelle Brûlé à l’accordéon, Odja Llorca à la chanson débarbouillent l’icône de la pensée féministe de quelques clichés.
C’est Jules Romain avec Donogoo que met en scène Jean-Paul Tribout, qui donnera le départ des festivités. L’histoire de la fabuleuse escroquerie de Mr Le Trouadec qui avec la complicité de Lamentin, fait converger le monde entier vers une ville aux sables aurifères qui n’existe pas et pour laquelle les banquiers se sont mouillés, est une belle farce qui trouve des échos dans notre immédiate actualité.
58e Festival des jeux de Sarlat du 18 juillet au 5 août tel 05 53 31 10 83.

Festival de Figeac

Depuis que Marcel Maréchal dirige les Tréteaux de France, ce centre dramatique national itinérant est la cheville ouvrière du Festival de Figeac. C’est là que chaque été, la troupe donne le coup d’envoi de sa nouvelle création. Oncle Vania de Tchékhov que mettent en scène Marcel Maréchal et Michel Demiaute, ouvre la 9e édition d’un festival qui se fait un devoir d’inviter sur ses tréteaux les compagnies de la région Midi-Pyrénées. Sont au programme de cette année, une adaptation de Shakespeare Macbeth et Lady par la Compagnie L’œil du silence, Le Frigo de Copi mis en scène par Didier Carette du Théâtre Daniel Sorano de Toulouse. Sont également à l’affiche une poignée de spectacles qui ont fait les beaux soirs de Paris, parmi ceux-ci Somewhere la Mancha, une adaptation décalée de Don Quichotte concoctée par Irina Brook et un délicieux et sympathique hommage à Boris Vian, Juste le temps de vivre.
Festival de Figeac du 23 juillet au 1er août tel 0 825 003 303

Les nuits de la Mayenne

Depuis sa création, ce festival se donne pour mission « d’apporter la fête culturelle au plus près du public », et s’offre comme une randonnée à travers le département dont chaque étape a sa caractéristique et sa facture : le one man show à Montigné-le-Brillant (Compartiment séducteur avec Jean-Pierre Bouvier), le conte fantastique à Loupfougères (La Belle et la Bête réalisé par William Mesguich), la comédie de cape et d’épée à Jublain (Le Timide au Palais de Tirso de la Molina), le vaudeville à Sainte-Suzanne (Chat en poche de Feydeau. Au total treize stations pour pleurer, rire, rêver et frémir. Certaines sont particulièrement alléchantes telle celle de Laval avec les Bons becs en voyage de notes. Avec pour guide et chef d’orchestre, l’extravagante et inventive Caroline Loeb, quatre clarinettistes classiques, chacun soliste émérite, et un percussionniste qui aiment à jouer ensemble sous le nom évocateur de Bons becs, revisitent tous les genres musicaux de Haendel à Charles Trenet en passant par Offenbach, Françaix, Darius Milhaud etc., et proposent un savoureux tour du monde musical où la croche et la double-croche s’emmêlent dans un feuilleté de poésie et d’humour.
Les Nuits de la Mayenne du 15 juillet au 12 août tel 02 43 53 63 90

Bussang, Le Théâtre du Peuple

Créé en 1875 par Maurice Pottecher, le Théâtre du Peuple, qui inscrit à son fronton, « Par l’art pour l’humanité », reste unique en son genre, aussi bien par sa longévité que par la tradition qui s’y perpétue sans faillir depuis son origine. Aller à Bussang ressort de la fête et du plaisir citoyen. Il y règne, tout comme au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine une atmosphère qui prédispose à l’écoute. Pierre Guillois qui le dirige actuellement, comme tous ses prédécesseurs, s’est plié avec enthousiasme aux contraintes testamentaires du père fondateur. Elles induisent le répertoire en même temps qu’elles fouaillent l’imaginaire.
Cœur mangé, une épopée écrite par Pierre Guillois et Guy Bénisty, qui raconte avec chevaux, dromadaire et percussions, les premières croisades, interprétée par une trentaine de comédiens professionnels et amateurs du village, possède les vertus fédératrices aptes à rassembler un vaste public, toutes générations confondues. Et chacun, en haleine, attendra le moment magique où les vastes portes du fond de scène s’ouvriront sur la forêt vosgienne. Présentée l’après-midi, cette plongée au cœur du fascinant et ténébreux moyen âge est le moment phare de la manifestation qui en soirée propose Gilles un cabaret poétique écrit par Cédric Orain et mis en scène par David Bobee qui, sur la trame de l’errance d’un vieil homme en pyjama bleu, croise les genres et marie les contraires.

Le Théâtre du Peuple de Bussang. Depuis le 11 juillet et jusqu’au 29 août tel :03 39 61 50 48

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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