Zoo story d’Edward Albee
La parole est malade
Installé sur un banc de Central park avec un livre et un casse-croûte, Peter aime à goûter ces moments de tranquillité dominicale. Mais ce jour-là, l’irruption d’un inconnu va bousculer ses habitudes. Le type, prénommé Jerry, se présente comme un solitaire, un pauvre bougre qui n’a personne à qui parler. Son insistance pour lier conversation intrigue et irrite Peter. Peu à peu, le climat devient pesant, la tension monte en même temps que le ton de Jerry qui bombarde Peter de questions intimes et lui fait des confidences horrifiantes. La relation prend une tournure inquiétante sans qu’on sache en identifier l’enjeu. Jerry est certainement un déclassé, un pauvre gars qui a raté le coche et qui souffre. Il n’y a pas de dialogue entre les deux, juste de l’incompréhension et un rapport de force qui s’enflamme. Peter, brave type, marié, deux enfants, deux chats, deux perruches, domicilié dans la bourgeoise 74e rue est la victime des assauts de Jerry qui joue la lutte des classes sur un banc. Il malmène et provoque Peter jusqu’à des fins extrêmes. Mais que veut-il au juste ? Jerry n’est pas dingue, il est désespéré par l’absence de communication entre les êtres et le clivage mortel de la société.
Sylvain Katan est le doux Peter tandis que Pierre Val interprète le volcanique Jerry qui se tient sur une crête qu’on devine dangereuse sans preuves tangibles. Le rythme soutenu des échanges nourrit la tension, mais ménager plus de silences dans le tissu narratif aurait creusé avantageusement les zones d’ombre.
La pièce d’Edward Albee (auteur de Qui a peur de Virgina Woolf ?), a été créée en 1965 par Laurent Terzieff et Michael Lonsdale ; elle n’a rien perdu de sa force dans cette mise en scène de Pierre Val.
Zoo story d’Edward Albee. Traduction et mise en scène Pierre Val. Avec Sylvain Katan et Pierre Val. Lumières, François Loiseau. Au Poche Montparnasse à 21h. Durée : 1h15.
Résa : 01 45 44 50 21
www.theatrepoche-montparnasse.com
© Alejando Guerrero