Portraits de famille, les oubliés de la Révolution française d’Hortense Belhôte

La vulgarisation des savoirs, un exercice périlleux

Portraits de famille, les oubliés de la Révolution française d'Hortense Belhôte

Hortense Belhôte, historienne de l’art, auteure et comédienne, use de la scène à des fins louables de transmission pédagogique. Elle compte à son actif quelques spectacles sur le mode de la « conférence spectaculaire » : Une histoire du foot féminin (2019) qui tourne dans des lieux de spectacle et d’éducation, Histoires de Graffeuses (2021), Performeureuses (2022), une histoire de la performance en danse contemporaine, Et la marmotte ? (2022), une approche historique et sociologique de la montagne, et 1664 (2022), "un déboulonnage en règle de l’absolutisme de Louis XIV".
Portraits de famille conjugue l’histoire personnelle des « dynasties de nobodies » qui peuplent l’arbre généalogique de l’auteure et quelques figures d’anti-héros, de marginaux de la grande Histoire, des oubliés de la Révolution comme, entre autres, le chevalier d’Eon, travesti mystérieux, le page Zamor de Madame du Barry, enfant esclave bengali, Jean Amilcar, un enfant esclave sénégalais sans nom, offert à Marie-Antoinette. Des individus qui ne figurent pas dans le tableau de famille des héros de la Révolution. De quoi l’Histoire, récit estampillé national et partial, telle qu’on la raconte à l’école est-elle le nom ? Selon Hortense Belhôte, « si nos ancêtres les Français, les « Vrais », ceux des peintures, ceux du premier 14 juillet, étaient des noirs, des femmes émancipées et des personnes non-binaires, c’est tout le paradigme de l’altérité qui est à reconsidérer. Qui est alors à la marge et qui est au centre ? Sur quels sédiments repose notre socle commun ? »
Seule en scène, la comédienne, débordante d’énergie, émaille des propos sérieux de blagues, gags, mimiques de toutes sortes, à moins que ce ne soit le contraire, tant on ne sait plus ce qui prime du sujet ou de son traitement ; des personnages de tableaux célèbres chantent des karaokés, la comédienne décline les costumes cocardiers ; dans une combinaison intégrale bleu-blanc-rouge moyennement seyante, elle chevauche un coq tricolore qui gonfle sous ses fesses, puis s’affaisse mollement. Elle recourt à des jeux vidéo (Les Sims, Age of Empires), aux mythiques Pokémons, invite Sheila et son Bang Bang, occasion de faire chanter la salle ; mille et un tours inventifs dont l’abondance étourdissante finit par faire perdre le fil des histoires nombreuses et néanmoins intéressantes. Il est à craindre que le public ne retienne que les gags d’un spectacle qui, à force de souci pédagogique flirte avec la démagogie et tend à confondre vulgarisation et vulgarité, termes que pourtant Hortense Belhôte avait définis doctement en préambule. Une dérive qu’elle n’a certainement pas vu venir. C’est dommage car elle ne manque pas de talent.

Portraits de famille, les oubliés de la Révolution française de et avec Hortense Belhôte. A Paris, au théâtre de l’Atelier jusqu’au 27 mai 2023, mardi, jeudi et samedi à 19h. Durée : 1h10.
Résa : 01 46 06 49 24.

©Fernand Tafner

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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