A Paris, au théâtre de la renaissance

Passeport d’Alexis Michalik

L’exil en partage

Passeport d'Alexis Michalik

Alexis Michalik, une des personnalités les plus populaires de la scène française, peut-être l’une des plus douées, n’a pas qu’une corde à son arc ; il est comédien, dramaturge, metteur en scène, réalisateur (réalisation de courts-métrages, adaptation de sa pièce Edmond en 2019), et romancier depuis 2019 (Prix Renaudot des lycéens pour Loin). En 2011, à 29 ans, il écrit et met en scène sa première pièce, Le Porteur d’histoires, qui porte déjà cette griffe singulière que l’on retrouvera dans les spectacles suivants. Passeport s’aventure pour la seconde fois dans le réel, après Intra muros (2017).
La pièce raconte le destin cabossé de réfugiés de la tristement célèbre "jungle" de Calais. Le projet est plein de bonnes intentions mais la fable est bien naïve pour un sujet si politique. Animé par une très louable préoccupation pédagogique, le texte flirte parfois avec le discours didactique au lieu de filtrer à travers ces histoires qu’il sait si bien tramer. On entend trop souvent la voix de l’auteur derrière ses personnages qui deviennent des porte-parole et perdent ainsi en théâtralité. Le spectacle ne réussit pas tout à fait l’alchimie entre documentaire et fiction.
Mais la force du récit prend le dessus et, avec la complicité des sept comédiens talentueux, qui, à l’exception de Jean-Louis Garçon, interprètent chacun plusieurs rôles, Michalik nous entraîne à grande vitesse et avec humour au coeur des péripéties d’histoires apparemment étrangères les unes aux autres, il sème des indices, multiplie les rebondissements pour finalement renverser la situation dans un coup de théâtre réussi avec panache. Le trio formé par Issa, l’Érythréen amnésique (attendrissant Jean-Louis Garçon), Arun le tamoul, optimiste et affectueux (lumineux Kevin Razy) et Ali le Syrien, sombre et mutique (Fayçal Safi, très convaincant dans ce rôle), est attachant et offre un contrepoint utile au récit médiatique qui ramène au rang de statistiques ces êtres humains courageux. Michalik rappelle qu’il suffit d’une guerre pour que n’importe lequel d’entre nous se retrouve en exil, réfugié à son tour dans un pays plus ou moins accueillant.
Artiste sincèrement engagé dans son art, il a les défauts de ses qualités. Qui trop embrasse, mal étreint ! Le souci de tentative d’épuisement du sujet le contraint à rester à la surface des choses et sa grande virtuosité d’écriture le conduit à quelques excès. Néanmoins, il a l’art de toucher le public en lui offrant des spectacles chaleureux de belle facture qui emportent le plus souvent l’adhésion.
Soulignons que le spectacle a pour partenaire le Musée de l’Histoire de l’immigration à Paris, et plus inattendu, l’association Les Cuistots migrateurs, qui emploie des cuisiniers réfugiés.

Passeport d’Alexis Michalik (texte et mise en scène). Avec Christopher Bayemi, Patrick Blandin – Michel, Jean-Louis Garçon, Kevin Razy – Arun, Fayçal Safi, Manda Touré, Ysmahane Yaqini. Décor, Juliette Azzorpadi. Accessoires, Pauline Gallot. Vidéos, Nathalie Cabrol. Costumes, Marion Rebmann. Lumières, François Leneveu. Son, Julius Tessarech. Musique, Sly Johnson. A Paris, au théâtre de la Renaissance. Réservation : 01 42 08 18 50.
www.theatredelarenaissance.com
© Alejandro Guerrero

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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