Jusqu’au 9 octobre à la Comédie -CDN de Reims puis en tournée régionale et parisienne.
Marie Stuart de Friedrich Von Schiller par Chloé Dabert.
La justice et la liberté incompatibles avec l’exercice du pouvoir.

Marie Stuart, reine d’Écosse emprisonnée en Angleterre depuis des années, est accusée de comploter contre la reine Élisabeth. Et Marie, la catholique, représente une menace pour le règne protestant d’Élisabeth : certains la considèrent comme l’héritière légitime du trône d’Angleterre. La Stuart voudrait obtenir une audience près d’Élisabeth pour plaider sa cause.
Élisabeth, tiraillée entre son devoir de reine et ses doutes, hésite à ordonner l’exécution de Marie, craignant de ternir son image et d’encourager la colère des catholiques européens... Pour obéir à la raison d’État : mettre fin à l’instabilité politique et religieuse du pays, elle pense la faire exécuter. Or,
« Les inclinations changent comme monte et descend la vague changeante de l’opinion.Ne dis pas que tu dois obéir à la nécessité et aux pressions de ton peuple. Dès que tu le veux, à chaque instant, tu peux constater que ta volonté est libre », lui dit a contrario le bon Talbot (Jan Hammenecker).
Schiller, contemporain de la Révolution française, a vu s’égarer les « sauvages » aux prises avec leurs « instincts sensibles », destructeurs et violents, et les « barbares », figés sur les « instincts formels », trop idéalistes.
La beauté est la seule valeur qui puisse faire revenir les foules des extrêmes.
Pour Chloé Dabert, directrice de La Comédie - CDN de Reims, et metteuse en scène de la pièce donne à sa création une beauté toute schillerienne. Ce Marie Stuart, ancré dans l’Histoire de l’Ecosse et de l’Angleterre des années 1587, confronte deux magnifiques figures féminines entourées de conseillers masculins redoutables dont il faut naturellement se méfier. C’est la construction d’un thriller au suspens serré, inspiré de faits réels documentés - une fiction où se côtoient la brutalité et la poésie, le drame romantique, la pièce politique, et une philosophie sur la liberté existentielle.
L’occasion d’offrir à la scène une oeuvre à la fois politique, littéraire, éthique et esthétique - grand théâtre -, via la tragédie d’une reine déchue du pouvoir, mais que sa constance patiente en prison et face à la mort élève à la dignité.
Bénédicte Cerutti en reine d’Ecosse fait résonner - voix et expression - à la fois une sensibilité à fleur de peau et l’articulation claire d’une pensée décidée. Sur le point de s’effondrer, croit-on, elle s’élève toujours plus haut dans la reconnaissance de soi : « Mes erreurs étaient humaines, c’étaient des erreurs de jeunesse. Le pouvoir m’a égarée, je ne l’ai ni caché, ni dissimulé, j’ai dédaigné les fausses apparences, avec une franchise royale. » De son côté, l’énigmatique reine d’Angleterre - Océane Mozas précise et tourmentée, au fait des enjeux en lice - est une altesse inquiète qui se méfie.
Les conseillers royaux, gent masculine, sont servis par des acteurs bien campés : William Cecil, serviteur incorruptible d’Élisabeth est incarné par Sébastien Eveno, magnanime, fidèle à la raison d’État - froideur protestante et « instinct formel »de règle. Il suit le peuple réclamant « la tête de Marie ».
Mortimer - Makita Samba -, neveu de Paulet - Cyril Gueï -, le gardien de la reine, veut libérer l’Ecossaise. Jeune et exalté, manipulé par les papistes, du côté de l’« instinct sensible », il est aussi dévoyé par les ors de Rome et perd la raison : « Lorsque je combattrai pour vous, j’égorgerai mon oncle ; je veux te sauver mais je veux aussi te posséder. » Harcèlement masculin et pouvoir.
Robert Dudley - Koen De Sutter -, amant opportuniste de Marie et d’Élisabeth, est guidé par l’instinct de survie et le pragmatisme des grands.
La scénographie est splendide, entre lumières étudiées - obscurité et brume -, musiques lointaines participant de la tension dramatique qui sourd de ce jeu infernal inavouable - scènes données en privé face public, entre bien nés. Sons de cornemuse pour les déplacements de la Reine ; et les atours magnifiques attisent le regard - l’admiration pour des tableaux d’époque -alors que s’élève ou descend des cintres la geôle aux lignes contemporaines.
Scènes pudiques de cérémonie sacrée avant la mort : les suivantes de Marie, agenouillées et de noir vêtues et voilées, entourent Marie à la robe écarlate.
Spectacle intense - goût de l’Histoire, intérêt pour les figures scéniques persuasives - féminines et masculines-, beauté de tableaux grandiloquents.
Marie Stuart de Friedrich Von Schiller, traduction Sylvain Fort, mise en scène Chloé Dabert. Avec Bénédicte Cerutti, Brigitte Dedry, Jacques-Joël Delgado, Koen De Sutter, Sébastien Eveno, Cyril Gueï, Jan Hammenecker, Tarik Kariouh, Marie Moly, Océane Mozas, Makita Samba, Arthur Verret. Assistant à la mise en scène Virginie Ferrere, collaboration à la dramaturgie Alexis Mullard, scénographie, dessin Pierre Nouvel, création costumes Marie La Rocca, création lumières Sébastien Michaud, création son Lucas Lelièvre, maquillages, coiffures Cécile Ktretschmar. Jusqu’au 9 octobre 2025 à La Comédie - CDN de Reims. Du 15 au 16 octobre 2025 au Théâtre de Cornouaille, Quimper. Du 14 au 29 janvier 2026 au TGP - Centre dramatique national de Saint-Denis Du 3 au 7 février 2026 au Théâtre du nord – CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France Du 11 au 13 février 2026 à la Comédie de Béthune – CDN Nord - Pas-de-Calais. Du 25 février au 4 mars 2026 au Théâtre National Populaire de Villeurbanne - Lyon. Les 11 et 12 mars 2026 à la Comédie de Valence, Drôme-Ardèche. Du 24 au 27 mars 2026 au Théâtre National de Bretagne, Rennes. Les 8 et 9 avril 2026 au Théâtre à Pau. Du 14 au 17 avril 2026 au Théâtredelacité – CDN Toulouse Occitanie. Tournée 2026/2027 au Théâtre de Liège, Nouveau Théâtre de Besançon, Le Quai - CDN d’Angers Pays de la Loire, Scène nationale du Sud-Aquitain…
Crédit photo : Marie Liebig



