Loss de Noëmie Ksicova en collaboration avec l’équipe artistique
Vivre avec nos morts
Dans Loss (« perte » en anglais), Noëmie Ksicova ne raconte pas à proprement parler une histoire au sens classique du terme, mais, s’appuyant sur une situation de perte majeure, tente de traduire la sidération qui suit la tragédie d’un deuil brutal et s’interroge sur nos rapports à nos morts (on pense au livre de Delphine Horvilleur, "Vivre avec nos morts"). Les informations données en préambule par l’auteur mettent d’emblée les points sur les i, le sujet n’est pas le décès d’un adolescent mais comment les proches réagissent face au drame.
Le spectacle commence tout en gaieté ; dans un intérieur banal Ikéa, une famille banalement heureuse fête l’anniversaire du fils Rudy qui, le lendemain, se jettera sous un train. Une fiction inspirée de faits réels. Noëmie, la petite amie de Rudy s’invite dans sa famille au lendemain de son suicide et peu à peu, va occuper sa place dans la famille, allant jusqu’à revêtir ses habits. Les parents joueront le jeu en lui demandant de se prêter aux petits rituels familiers dont ils avaient l’habitude. Ainsi, Noëmie leur évite le vide sidéral de l’absence, leur offrant une sorte de sas qui leur permettra peut-être de moins mal supporter cette violence. Pas de discours ni de réflexions profondes, mais une succession de flash, de situations et de mots qui reviennent en boucle, d’images à fleur de peau obsédantes, traversées par la silhouette fugitive du jeune homme, donnant corps à sa présence dans les cœurs de chacun.
Les choix de mise en scène de Noëmie Ksicova et Cécile Péricorne suppose un sacré pari car ils exigent du spectateur un lâcher prise confiant pour se laisser pénétrer par les sensations et sentiments suscités. Rien n’advient d’autre que le cheminement intérieur de chacun pour sortir de la sidération brutale, et guidés par l’être perdu, lui rendre une existence.
Ce spectacle qui parle de la mort autrement, est servi avec allant et délicatesse par l’équipe de comédiens, tous très justes.
Loss de Noëmie Ksicova en collaboration avec l’équipe artistique. Mise en scène Noëmie Ksicova et Cécile Péricorne. Lumières, Annie Leuridan. Scénographie, Céline Diez. Composition musicale, Bruno Maman. Avec Lumir Brabant, Anne Cantineau, Juliette Launay, Théo Oliveira, Antoine Mathieu en alternance avec David Martins, Noëmie Ksicova. A Paris, au théâtre de la ville-Les Abbesses jusqu’au 1er avril à 20h. Durée :1h10.
© Simon Gosselin