Le mariage forcé de Molière
Sganarelle ou le dindon de la farce
Dans cette petite comédie en un acte, Molière sort le bâton pour rosser le mâle dominateur assuré de son pouvoir sur sa future épouse. Sganarelle, vieux barbon, moche et décati, a jeté son dévolu sur une toute belle jeune fille. L’affaire est donc entendue et le mariage sera célébré le soir même. Mais Molière inverse les rôles avec malice et tel est pris qui croyait prendre. Le véritable pouvoir est entre les mains de la promise qui ne voit dans cette union que la promesse d’un bel héritage rapidement acquis. Elle raisonne, pose ses conditions, malmène Sganarelle qui n’est qu’un pauvre homme et qui soudain effrayé, veut rompre son engagement. Désespéré, il consulte diseuses de bonne aventure, philosophe et magicien qui tous se jouent de lui. La famille, qui n’entend pas laisser filer une telle aubaine, s’emploie à terroriser Sganarelle pour le contraindre au mariage. Le pauvre homme, en plein désarroi, est brutalisé, violemment bastonné.
Louis Arène a joué de l’inversion des rôles. Les personnages masculins sont interprétés par des comédiennes et les rôles féminins tenus par des hommes. Tous masqués, affublés de prothèses diverses, les comédiens se transforment peu à peu en pantins aux mouvements entravés par un corps déformé, déstabilisé et encombrant. Le sort tragique de Sganarelle est moqué et la comédie devient grinçante. D’emblée la scénographie d’Eric Ruf indique l’enfermement mental et réel de Sganarelle, pris au piège comme un rat, dans une boîte de bois munie de trappes qu’il peine à manipuler et par où surgissent ses persécuteurs.
La mise en scène, ambitieuse et originale, multiplie les effets souvent heureux, mais leur accumulation pléthorique au gré du spectacle devient mécanique et l’intérêt décroît. On admire cependant l’extraordinaire travail sur les corps, sur les voix. Les comédiens, tous excellents, conduisent cette diablerie avec fureur.
Le Mariage forcé de Molière. Mise en scène Louis Arène. Dramaturgie Laurent Muhleisen. Scénographie, Eric Ruf. Costumes, Colombe Lauriot Prévost. Lumières, François Menou. Son, Jean Thévenin. Masques, Louis Arène. Avec Sylvia Berger, Julie Sicard, Christian Hecq, Benjamin Lavernhe, Gaël Kamilindi. A Paris, Studio-théâtre de la Comédie-Française jusqu’au 3 juillet à 18h30. Durée : 1h. Résa : 01 44 58 15 15.
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© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-française