Le décès de Raymonde Chavagnac
La FNAC a perdu son âme
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- 6 mars 2017
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Sans doute son nom ne dit-il pas grand-chose aux jeunes générations, pourtant ils sont nombreux encore les artistes, qu’ils soient auteurs, musiciens, metteurs en scène, chanteurs, chorégraphes et même journalistes, qui ont éprouvé un peu plus qu’un simple serrement de cœur en apprenant la mort ces jours-ci de Raymonde Chavagnac. En effet, celle que ses ami(e)s appelaient « La ChavaFnac » fut pendant vingt-six ans (1965-1991), une des figures incontournables de la vie artistique.
Lorsqu’en 1965 André Essel et Max Théret les directeurs fondateurs de la FNAC décidèrent de ne pas se contenter de marier commerce et culture, mais de faire de leur Entreprise « un agitateur culturel » par le biais du mécénat, ils créèrent l’association Alpha (Arts et Loisirs pour l’Homme d’Aujourd’hui) et en donnèrent les clés à Raymonde Chavagnac, professeur de chant détachée de l’Education Nationale qui déjà, en compagnie de Micheline Rozan, s’ était occupée d’animation culturelle au sein d’une association universitaire.
Main de fer dans un gant de velours, Raymonde Chavagnac fera d’ALPHA un important rouage de la vie culturelle, non seulement par les biais de coproductions ou de l’aide à la promotion mais en jouant pleinement son rôle « d’agitateur » puisqu’à ses yeux le mécénat se devait de s’exercer au profit du risque de la création et de la découverte, qu’il s’agisse de jeunes créateurs ou de grandes pointures en aidant à la venue de spectacles qui restèrent à jamais ancrés dans nos mémoires comme Le Regard du sourd de Bob Wilson, les spectacles de Kantor , des premiers spectacles de danse butô . C’est grâce à elle que fut révélé en France Kasuo Ohno.
Dans les années 67-68 pour mieux promouvoir ses coups de cœur et aider les artistes à réaliser leur rêve, sous l’égide d’ALPHA, elle investit le Théâtre 347 (aujourd’hui l’IVT (International Visual Theater). Roger Blin y créera Fin de Partie de Beckett, on y verra le Living Theater, des pièces d’Arrabal, de Jean Bouchaud, c’est là que Brigitte Fontaine, Jacques Higelin, Rufus feront leurs débuts. Plus tard, elle nouera des partenariats avec les théâtres prenant sa part de risque sur l’ensemble d’une programmation. Attentive à tout ce qui naissait et bougeait, aux auteurs vivants quand ce n’était pas encore à la mode, ils sont légions ceux à qui elle donna un coup de pouce ou épaula hier et qui aujourd’hui ont pignon sur rue ou sont en haut de l’affiche.
Si, lorsqu’on lui posait des questions sur les actions d’ALPHA elle aimait à répondre en souriant, « Mon chouchou, il faut bien des ânes pour porter les prophètes », c’est qu’elle se voulait résolument de ceux-là et c’est ce qu’elle fut avec intelligence et perspicacité.
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