Vu au Centre des Bords de Marne au Perreux-sur-Marne, puis en tournée.

Le Conte d’hiver de Shakespeare par Sandrine Anglade.

Retour à la fête populaire et au renouveau des esprits après l’hiver.

Le Conte d'hiver de Shakespeare par Sandrine Anglade.

Romance ou tragi-comédie romanesque, Le Conte d’hiver exerce sa fascination - un engouement où l’émotion tragique est intense et le rire joyeux. Avec la musique en majesté qui anime la pièce shakespearienne et sa fête radieuse - une Fête de la Tonte des Moutons cocasse et espiègle, qui invite sur le plateau les spectateurs amusés à danser pour la fête populaire, illustrée de chansons et de ballades. Avec en arrière-fond encore, le mystère et la magie, et, au coeur des interrogations, la relation à l’Art et à la Nature.

Le diptyque de l’intrigue se compose d’un volet tragique en Sicile que suit, après un passage du Temps de seize années, un volet de comédie en Bohême - une situation plus solaire après ce long passage des jours qui mettent en perspective les événements, une distance propice aux prises de conscience, à la réparation par les jeunes générations et au pardon consenti.

L’histoire en est étrange : contre toute attente, Léonte, le roi de Sicile (royal Damien Houssier), se révèle jaloux de sa femme Hermione (loyale Sarah-Jane Sauvegrain), modèle reconnu de fidélité. Le roi ombrageux la défie, l’accusant de le trahir avec Polixène, le roi de Bohême (Laurent Montel bonhomme), son ami d’enfance à lui en visite au palais. Le jaloux pense que le père de l’enfant à naître de son épouse n’est autre que l’usurpateur invité.

L’époux craintif et tyrannique chasse l’ami/ennemi et harcèle Hermione. Il bannit le nouveau-né ; son fils aîné meurt de chagrin, et l’épouse, jugée à l’emporte-pièce, disparaît en prison alors que l’oracle d’Apollon la disculpait. Le Fou se repent enfin mais trop tard, reclus dans la solitude et le chagrin.

Seize années relancent le mouvement et la dramaturgie de l’existence. Le nourrisson est une fille de seize ans, Perdita - Héloïse Cholley sémillante - , vivant dans une bergerie de Bohême, recueillie par un vieux pâtre ( Rony Wol malin). Et Florizel, l’amoureux, veut l’épouser, contre l’avis de son père le Roi.

Or, il est temps que ce conte d’hiver laisse place au renouveau de la vie, à ce printemps de la nature et des regards, au regain d’un avenir réparateur.

Le plateau est nu que traverse, de cour à jardin, une passerelle étroite, décomposable et recomposable, soit la mise en relief des mouvements des protagonistes et de leurs projets. Au-dessus de la scène, trône la majesté lumineuse d’un lustre imposant et étincelant, orné de guirlandes, et qui descend jusqu’à toucher le sol. Magie et émerveillement des inventions de la scène : le lustre sert aussi de socle à la statue, oeuvre vivante de l’Artiste.

Tout est question de lumière et vérité - celle qui pénètre l’être intérieurement ou cette qui s’attache, artificielle et éblouissante, aux allures et à l’apparence.
La beauté de la vérité, son authenticité, prône l’éveil intérieur et l’ouverture à la réconciliation, une posture qui échappe à la dangereuse soumission aux faux-semblants et à l’imitation - mensonge -, détachés du réel, quand bien même les peintres de la Renaissance voulaient « faire mieux » que la vie. Le roi de Sicile devait savoir distinguer un regard bien-fondé de celui de l’illusion.

Non seulement les comédiens chantent en polyphonie et en solo, a capella, autour de Nina Petit au chant, à la guitare, à l’accordéon et aux percussions, mais ils assurent encore deux rôles chacun, un élan et dynamisme assurés.

Notons encore Florent Dorin qui joue Camillo, serviteur sicilien, mais aussi Paulina, la femme d’Antigonus, autre serviteur sicilien, et l’Ours encore. Des interprètes à leur juste place, jouant leur rôle avec une conviction tranquille.

Harmonie et rigueur d’un spectacle sincère de théâtre qui revendique son caractère populaire au sens noble, attentif à l’autre - écoute et échange.
Un bel esprit collectif et un professionnalisme souverain allié à un goût de l’art pétillant.

Le Conte d’hiver, texte de William Shakespeare, nouvelle traduction et adaptation Clément Camar-Mercier, mise en scène Sandrine Anglade, dramaturgie Clément Camar-Mercier, assistante–stagiaire à la dramaturgie Shane Haddad, transposition et direction musicale Nikola Takov, scénographie et lumières Caty Olive, costumes Magali Perrin-Toinin,
accessoires Sylvie Martin-Hyszka, assistante–stagiaire à la mise en scène Aimée Lip. Avec avec Héloïse Cholley, Florent Dorin, Damien Houssier, Laurent Montel, Nina Petit, Sarah- Jane Sauvegrain, Rony Wol, et 12 spectateurs volontaires sur inscription invités dans chaque lieu de tournée.
Spectacle vu le 3 octobre 2025 au Centre des Bords de Marne, Le Perreux-sur-Marne (Val de Marne). Le 8 octobre 2025 au Centre d’Art et de Culture de Meudon (Hauts-de-Seine). Le 4 novembre 2025 au Théâtre Alexandre Dumas de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Le 4 décembre 2025 au Théâtre des Quatre Saisons à Gradignan (Bouches-du-Rhône). Les 9 et 10 décembre 2025 au Théâtre de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Le 8 janvier 2026 au Théâtre du Vésinet (Yvelines). Le 24 janvier 2026 au P.O.C ! Alfortville (Val-de-Marne). Le 5 mai 2026 au Théâtre de Chartres (Eure-et-Loir). Les 23 et 24 mai 2026 au Festival Shakespeare Upon Avon à Avon (Seine-et-Marne). En Juillet 2026, dans le cadre du Festival Avignon Off, au Théâtre du Chêne Noir (Vaucluse). Et tournée 2026/27.

Crédit photo : Nadège Le Lezec

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Véronique Hotte

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